En pleine tempête médiatique sur le cas Dominique Strauss-Kahn, le patron du FMI inculpé lundi pour agression sexuelle à New York, le cinéaste devait présenter mercredi à Cannes son film, l'un des plus attendus du festival - quoique hors compétition -, avec Denis Podalydès dans le rôle du chef de l'Etat en exercice.
"Dès que j'ai accepté le projet, j'ai ressenti une pression morale: ne pas raconter n'importe quoi", explique Xavier Durringer à l'AFP à la veille de monter les marches.
Avec son scénariste, le documentariste et historien Patrick Rotman, Xavier Durringer a épluché des milliers de documents texte, photo et vidéo, interrogé de multiples témoins pour "une reconstitution méticuleuse" de la période couverte, entre l'élection de Jacques Chirac en mai 2002 et celle de Nicolas Sarkozy en 2007.
"Le film est juste au plan politique à 99%", soutient-il.
Pourtant, les deux hommes ont "travaillé dans le plus grand secret, avec un nombre de scénarios numérotés, qui ont très peu circulé". Et entamé le tournage d'une quarantaine de jours en plein mois d'août, "quand tout le monde est en vacances, véritablement en secret".
"Une fuite parue pendant l'été dans Le Canard Enchaîné évoquait le projet mais pour décembre, ce qui nous a protégés !"
Sur l'intimité du couple Nicolas-Cécilia qui se délite, "là encore tout a été raconté, mis en scène. Et nous, nous avons fixé nos propres limites: ne pas reprendre de rumeurs et ne parler du couple que par rapport aux événements politiques".
Le candidat, note-t-il, "se met lui-même en scène quand sa femme le quitte: alors que les photos de Cécilia et de (son compagnon) Richard Attias paraissent dans Paris-Match, il va se montrer à La Baule (au congrès de l'UMP, ndlr) dans une situation de détresse et de solitude".
"Il a cherché à toucher les Français en faisant ça. Mais c'est au nom de cette transparence dont il a tant parlé qu'on a pu réunir autant de documents".
"Le film le dit: lui seul sait ce qu'il a perdu au regard de ce qu'il a gagné - non seulement sa femme mais aussi dans son rapport à l'éthique, à la morale et à ses promesses. Ce film est aussi un mémento de ce qu'il a dit pendant sa campagne et fait depuis".
"Ce que j'ai appris, reprend-il, c'est qu'on peut prendre le pouvoir avec très peu de gens, une bonne équipe, un bon directeur de com' et une femme qui, dans l'intimité, vous dit ce que personne d'autre n'ose vous dire".
Avant même la première projection (le film sort en salles mercredi, en même temps qu'à Cannes), il se trouve déjà "des chiens de garde pour susciter ou alimenter des rumeurs" sur son contenu, regrette-t-il en dénonçant les "suppositions" sur son empathie ou sa détestation du président.
Quant au sujet Nicolas Sarkozy, "après avoir estimé qu'il était au-dessus de ça, il explique maintenant qu'il n'ira pas pour protéger Carla (son épouse), ou parce que ce ne serait pas bon pour sa santé mentale", rappelle l'auteur.
Mais "la sélection à Cannes permet de ramener le film sur le terrain du cinéma, le nôtre. Et de sortir du buzz médiatico-politique franco-français".
"J'aime la politique", confie encore Xavier Durringer, "et je voudrais qu'en sortant du film, on ait envie de remettre la politique au centre des discussions: ce film est là pour ça, qu'on soit d'accord avec ou pas".