«Voyage … au-delà des nuits de plomb» Un essai de mémoire et pour la Mémoire

Une chronique des années de plomb

Lundi 23 Novembre 2015


Si le terme voyage évoque le plus souvent découverte, 
plaisir et loisirs, celui auquel nous invite l'auteur 
n'a rien à voir avec cette acception. 
C'est un voyage, certes, dans le temps et dans 
l'espace mais c'est surtout un «voyage», singulier 
dans l'absurde et l'arbitraire des 
"années de plomb", où l'auteur 
évoque le calvaire carcéral (torture, 
conditions inhumaines de détention,
 procès inéquitable..), mais aussi 
les résistances et les moments pleins 
de vie, de joie et de créativité


La littérature des années de plomb ne cesse de proliférer. Deux objectifs majeurs tiennent à cœur les écrivains : d’abord rafraîchir la mémoire de nos générations futures pour qu’elles connaissent leur histoire de source propre. Ensuite, souffler le petit mot de «faites gaffe» cela ne doit plus se répéter.
C’est sans aucun doute l’intention première de l’écrivain Nour-eddine Saoudi, auteur du livre «Voyage … au-delà des nuits de plomb», dont une nouvelle édition vient de voir le jour, grâce aux efforts de l’Association Synergie civique.
Et comme il y a bien une origine à toute idée de livre, l’auteur entame son préambule par les motivations l’ayant poussé à écrire «ses mémoires» de détenu politique. «Tes multiples et harcelantes questions me trottèrent longuement dans la tête et m’amenèrent, par la suite, à envisager sérieusement de rendre compte par écrit de cette expérience que fut ce «voyage au Canada», comme on se plaisait à le qualifier moi et mes camarades, nous les «centraliens», après notre sortie de la tristement célèbre prison centrale de Kénitra», dit-il en s’adressant à son fils Badr.
Et l’auteur d’expliquer : «Les Marocains, jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, ont le droit de savoir ce qui s’était passé, au cours de ces «années de plomb», de se «réapproprier» ce «chapitre» historique, qui est un maillon important entre le passé et le présent. De la sorte, ils pourront mieux construire leur présent et envisager leur avenir sur de solides bases». Un «voyage», certes, dans le temps – dix ans – et dans l’espace – différents centres de détention à Casablanca, Rabat et Kénitra – mais certainement pas pour le plaisir ou le loisir, loin s’en faut ! Personne parmi les «rescapés» de ce singulier "voyage" n’en est sorti indemne : nous en gardons tous des traces, des marques indélébiles : certaines sont communes, d’autres personnelles.
Et comme pour tout voyage, l’on retient aussi bien les bons que les mauvais souvenirs. Là Nour-eddine Saoudi se rappelle que ce long «voyage» ne s’était malheureusement pas bien terminé pour tous. Abdellatif Zeroual, Saïda El Mnebhi et Rahal Jbiha y ont laissé leur vie : le premier sous la torture à Derb Moulay Chérif ; la deuxième au cours d’une grève de la faim et le troisième lors d’une malheureuse tentative d’évasion. D’autres, tels que Mustapha Ouham, El Bou Hassan et Miloudi Achdini, y ont perdu la raison, pour toujours peut-être.
L’auteur n’oublie pas de rendre hommage à certaines personnalités l’ayant aidé, motivé et soutenu à bien accomplir sa mission. «Ce livre est aussi redevable au charisme du professeur Fatema Mernissi, à l’enthousiasme et à l’envie d’écrire qu’elle insuffle dans les ateliers d’écriture qu’elle anime dans le cadre de l’Association Synergie civique. Ses conseils, remarques et critiques, ainsi que ceux du peintre et écrivain Naceur Bencheikh (de Tunisie), m’ont beaucoup aidé à «monter» le récit, à affiner la technique de l’écriture et en améliorer la forme et la présentation».
Mais, la remémoration, même par écrit, et peut-être surtout via l’écriture, ne se passe pas sans soucis, et parfois même sans douleur. L’auteur ne manque pas de le rappeler : «La rédaction de ce récit fut certes un exercice douloureux, car en me replongeant dans ce ténébreux passé, je revivais d’une certaine manière, à travers la mémoire, tout le calvaire de l’incarcération (enlèvement, torture, procès, isolement, privations, grèves de la faim….). Mais, il s’agit aussi d’une manière de se défaire d’un fait très pesant sur la mémoire qui libère ses idées détenues, et ses cauchemars…. » Un livre … une deuxième libération … une deuxième naissance.


Mustapha Elouizi

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