Voix off : L'écriture et le cinéma


Mohammed Bakrim
Vendredi 24 Avril 2009

Tanger a abrité le week-end dernier deux rencontres sur le rapport du cinéma et de la littérature/écriture. C'était dans le cadre des activités proposées par le Salon international du livre rebaptisé Salon du livre et des arts. C'est le magnifique palais Moulay Hafid qui a accueilli un nombreux public et une pléiade d'intellectuels, écrivains et professionnels pour parler des différentes formes artistiques de l'expression de l'imaginaire. Et le cinéma bien sûr ne pouvait manquer à l'appel surtout à Tanger, ville cinéphile par excellence!
Les problématiques posées sont anciennes; ce sont les angles d'approche qui diffèrent selon les contextes et les époques. Les rapports du cinéma et de la littérature ont été objet de questionnement depuis que le cinéma est passé d'une "simple invention industrielle sans avenir", dixit les frères Lumière à un art, le septième dans la tradition artistique occidentale. A Tanger, on a d'abord abordé les influences possibles du cinéma sur la littérature et puis on a interrogé le cinéma marocain du point de vue de l'écriture. Un premier constat semble se dégager du déroulement des deux rencontres, fort passionnantes par ailleurs; l'une, la première a été marquée, influencée par une approche plutôt partisane de la littérature; même si Atik Rahimi, auteur franco-afghan, star du Salon, a une double casquette : romancier et réalisateur. On était resté confiné dans des considérations générales, fort diplomatiques, revenant même parfois sur des aspects, caducs, tels les questions inhérentes à l'adaptation: on ne se pose plus des questions si le cinéma est apte/capable d'aborder telle œuvre ou tel monument de la littérature. Tout le vingtième siècle a été marqué par l'arrivée du cinéma comme expression d'artistique qui a fait ses preuves en se confrontant au théâtre et au roman, mais surtout en produisant des auteurs et des œuvres spécifiques, entrés au Panthéon des arts. D'autre part, on sait aujourd'hui que le cinéma est un paradigme incontournable de la modernité; et qu'on n'écrit plus comme avant le cinéma. Le cinéma est déjà dans le regard du scripteur et se dilue dans la configuration textuelle, dans le rythme, la progression et la structuration du récit.
Le cinéma marocain, lui, se trouve dans une situation originale: si dans la plupart des pays aux cinématographies développées, le cinéma est arrivé dans le sillage d'une tradition d'écriture romanesque et fictionnelle, le cinéaste marocain se trouve plutôt dans la position de pionnier en termes de production fictionnelle. Le cinéma marocain a le même âge que le roman marocain. On peut même dire qu'il l'a précédé sur un plan diachronique comme aujourd'hui, il le dépasse sur un plan synchronique, du point de vue de son articulation avec les attentes de la société. L'écriture cinématographique, ce n'est pas seulement le niveau du scénario, c'est aussi tout ce qui fait qu'un film devienne un film. Sémiotiquement, on sait que tout ce qui est filmique n'est pas cinématographique : l'écriture cinématographique est ce qui fait que le cinéma triomphe dans un film (les mouvements d'appareil, les échelles de plan, le montage…); c'est-à-dire neutralisant la pente de l'écriture tout court…


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