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Une présidentielle algérienne le 4 juillet est-elle encore possible ?


Vendredi 24 Mai 2019

Le pouvoir algérien s'accroche à la présidentielle prévue le 4 juillet pour sortir de la crise. Mais, critiquée de toute part, sans candidat crédible déclaré et sans électeurs annoncés, sa tenue apparaît de plus en plus incertaine.
Avec la démission le 2 avril, sous la pression populaire, du président Abdelaziz Bouteflika, chef de l'Etat durant deux décennies, l'Algérie est entrée dans une phase de transition.
Le pouvoir actuel et son président par intérim Abdelkader Bensalah, désigné conformément à la Constitution en tant que président de la Chambre haute, veut s'en tenir aux délais constitutionnels: l'élection d'un nouveau président dans les 90 jours suivant le début de l'intérim.
M. Bensalah, officiellement entré en fonctions le 9 avril, a donc fixé ce scrutin au 4 juillet.
Mais, pour le mouvement de contestation, il est hors de question que le pouvoir intérimaire et le reste de l'appareil hérité du président déchu organisent ou supervisent le scrutin, alors que de forts soupçons de fraude ont entaché toutes les élections durant deux décennies.
Mobilisés depuis le 22 février, les manifestants restent inflexibles et réclament, avant tout scrutin, des structures de transition ad hoc, chargées de démanteler l'appareil hérité de M. Bouteflika et d'élaborer une nouvelle loi électorale et une nouvelle Constitution.
Mais, pour l'heure, l'armée et son chef d'état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, redevenus les véritables centres de décision, refusent tout autre processus que celui prévu par la Constitution actuelle.
Techniquement, oui. Mais de nombreux doutes émergent, alors que les délais raccourcissent et que certaines échéances semblent incertaines.
Contrairement aux scrutins précédents, le Conseil n'a pas communiqué officiellement sur les procédures ou les délais de dépôt des dossiers de candidature qu'il est chargé de valider. Selon les calculs de l'AFP, la date-limite est le 24 mai -c'est-à-dire vendredi-, mais aucune des personnes contactées au sein du Conseil n'a pu confirmer.
Le pouvoir algérien assure vouloir maintenir le scrutin dans les délais constitutionnels, mais la date du 4 juillet n'est plus explicitement citée, ni par M. Bensalah ni par le général Gaïd Salah. Ce dernier a appelé à "accélérer" la mise en place de l'instance indépendante chargée de l'organisation et de la supervision du scrutin.
Au sein des partis de l'ex-coalition soutenant M. Bouteflika, l'idée d'un léger report et d'une entorse mineure au cadre constitutionnel fait son chemin, tant l'échéance semble compliquée à tenir.
Tout en rejetant la "transition" demandée par la contestation, Mohamed Djemai, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), parti -majoritaire- du président déchu, a suggéré un report, "mais pas de beaucoup", le temps notamment de modifier la loi électorale.
Cadre du Rassemblement national démocratique (RND), principal allié du FLN, Seddik Chihab a indiqué à l'AFP que "l'idéal" serait un délai de "trois mois supplémentaires ou de six mois" maximum.
L'opposition est quasi-unanime à demander un report, avec des durées variables.
Autre obstacle: des maires et magistrats ont annoncé refuser de prendre part à l'organisation du scrutin, dont ils sont des maillons importants.
Au 20 mai, le ministère de l'Intérieur a dit avoir reçu 76 actes de candidatures mais, contrairement à l'usage, il n'a dévoilé les noms que de trois petits partis, pas ceux d'individus.
Aucune personnalité d'envergure n'a fait publiquement acte de candidature et ni le FLN ni le RND n'ont désigné pour l'heure de candidat. Selon des observateurs, plusieurs figures sollicitées par le pouvoir ont décliné.
Plutôt effacé, M. Bensalah ne peut se présenter en vertu de la Constitution. Quant au général Gaïd Salah, il a assuré mercredi n'avoir "aucune ambition politique".
Enfin, les principaux partis d'opposition n'entendent pas participer, pas plus que la contestation, qui refuse même dans l'immédiat de choisir le moindre représentant.
Au vu de la détermination du mouvement, les électeurs ne devraient pas se bousculer dans les urnes, dans un pays où la participation est chroniquement faible.
Lors de la présidentielle de 2014, à peine plus de 50% des électeurs s'étaient déplacés, malgré les moyens de pression des autorités de l'époque sur les fonctionnaires, salariés d'entreprises publiques ou bénéficiaires de prestations sociales. Des chiffres en outre gonflés a posteriori selon les observateurs.
En l'état, il est par conséquent difficile d'imaginer que la présidentielle à laquelle s'accroche le pouvoir soit une réelle voie de sortie de crise.
"Si l'élection est maintenue le 4 juillet, le président n'aura aucune légitimité populaire" et "je crains (...) que nous entrions dans une spirale qui ferait perdurer la crise", a déclaré à l'AFP Zoubir Arous, professeur de sociologie à l'Université d'Alger II.

Ahmed Gaïd Salah assure n'avoir
aucune ambition politique


Le chef d'état-major de l'armée algérienne, désormais de facto homme fort du pays, a assuré mercredi n'avoir "aucune ambition politique", quelques jours après avoir insisté sur la tenue nécessaire de la présidentielle du 4 juillet, rejetée par le mouvement de contestation.
"Je me suis engagé personnellement à maintes reprises (...) à accompagner le peuple algérien, de manière rationnelle, sincère et franche, dans ses manifestations pacifiques et matures, ainsi que les efforts des institutions de l'Etat et de l'appareil de justice", a déclaré le général Ahmed Gaïd Salah, dans un troisième discours en trois jours.
"Et que tout le monde sache (...) que nous n'avons aucune ambition politique mis à part servir notre pays conformément à nos missions constitutionnelles", a assuré le général Gaïd Salah, selon le texte du discours, prononcé lors d'une visite sur le terrain, dont l'AFP a reçu copie.
L'armée appuie la tenue le 4 juillet d'une présidentielle convoquée par le pouvoir intérimaire pour élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika, mais rejetée par le mouvement de contestation inédit dont l'Algérie est le théâtre depuis le 22 février.
La contribution décisive de l'armée dans la démission, le 2 avril, après 20 ans de pouvoir, du président Abdelaziz Bouteflika, a replacé l'armée au centre du pouvoir et fait de son chef d'état-major l'homme fort du pays.
Le général Gaïd Salah multiplie depuis les discours à ses troupes qui, sur le ton de demandes ou de conseils, donnent le "la", face au quasi-mutisme du président par intérim Abdelkader Bensalah et du Premier ministre Noureddine Beddoui, selon les observateurs.
Certains de ces observateurs s'interrogent sur un possible scénario à la "Sissi", en référence à Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée qui s'est fait élire président de l'Egypte après un coup d'Etat militaire en 2013 contre le président élu Mohamed Morsi.
Peu après le coup d'Etat, M. Sissi avait assuré que l'armée "resterait éloignée de la politique".
L'armée algérienne joue un rôle central au sein du pouvoir algérien depuis l'indépendance de l'Algérie en 1962. Elle était considérée comme le véritable détenteur du pouvoir jusqu'à l'élection du président Bouteflika en 1999.
Choisi par le haut commandement militaire, celui-ci s'était peu à peu défait de son influence, en écartant les principaux hauts gradés et s'est assuré durant 15 ans la fidélité sans faille du général Gaïd Salah en le nommant en 2004 chef d'état-major.


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