Encore une loi qui peine à être appliquée. Et elles sont nombreuses dans ce sens. Mais quand il y va de la santé des citoyens, l’impact est plus profond. Cette fois-ci, il s’agit d’un texte juridique à fort enjeu sanitaire. C’est la loi antitabac censée interdire de fumer dans les lieux publics. Mais il n’en est rien en fait. Une situation scandaleuse à plus d’un titre. L’organisation Alternatives pour enfance et jeunesse a décidé, autant faire se peut, de contribuer à bouger les choses. Elle le fait à travers l’organisation d’une marche le 2 juin prochain à Rabat. L’occasion pour bon nombre de militants des droits de l’Homme, de syndicalistes et d’artistes de dénoncer encore une fois les dangers que représente le tabagisme pour la société. Mais n’est-ce pas le tabagisme passif qui est le plus montré du doigt? Pour sûr, puisque les personnes qui en sont victimes n’ont rien demandé. «Nous n’avons pas à subir les effets néfastes de la fumée des autres», s’insurgent elles. Cette inhalation de fumée à l’insu des gens représente un vrai danger de santé publique dont les méfaits ne se comptent plus. En effet, il a été démontré que le tabagisme passif est responsable de 3000 à 6000 morts par an chez des personnes non fumeuses. Il représentait encore récemment le premier agent cancérogène sur les lieux de travail. Il augmente de 50% les risques de faire un infarctus. Par ailleurs, un enfant exposé au tabagisme passif risque de faire plus de rhinopharyngites, de bronchites, d'asthme et d'otites. Plus encore, une personne qui ne fume pas et qui vit avec un fumeur, augmente de 25% les risques d'accident cardiaque et ceux du cancer du poumon. Les risques d'accident vasculaire sont multipliés par deux.
Mais les industriels du tabac se placent loin de toutes ces considérations qui ne risquent nullement de provoquer leur insomnie. En effet, le marché du tabac, au Maroc comme partout ailleurs, est très porteur. D’après l’analyse d’Euromonitor, le marché national correspond à près de 15 milliards de cigarettes. Une réalité qui fait froid dans le dos. Cette consommation a généré 4,44 milliards de dirhams en 2010, soit près de 0,9% des dépenses des ménages. Ce chiffre devrait atteindre en 2015 près de 15,79 milliards de DH.
On voudrait bien savoir si les dernières hausses des prix des cigarettes auraient pu pousser les inconditionnels du tabac à cesser de fumer et du coup, porter atteinte aux intérêts des industriels. Rien n’est moins sûr. Les addictologues affirment qu’une augmentation du prix des cigarettes n'arrêtera pas les fumeurs. Le tabac est un produit qui crée une dépendance et les toxicomanes dépenseront n'importe quelle somme pour obtenir leur dose. Par conséquent, une augmentation du prix servira au final les seuls intérêts des entreprises du tabac. Elle grève lourdement le budget des populations précaires, qui sont celles qui fument statistiquement le plus et les conduit par souci d'économie à des comportements dangereux pour leur santé, indiquent-ils.
Pour rappel, cette loi antitabac modifiant et complétant celle de 1995, a été adoptée par le Parlement en 2008 et son entrée en vigueur était prévue pour janvier 2010. Mais, à ce jour, rien ne pointe à l’horizon vu que les textes d’application ne sont toujours pas publiés.