-
Driss Lachguar : Passerelle importante vers l’Afrique, la ville d’Agadir requiert un intérêt considérable
-
Le délai raisonnable pour statuer sur les affaires, un engagement constitutionnel en faveur des droits des justiciables
-
Mustafa El Ktiri : La récupération de Sidi Ifni, une étape majeure dans le processus de parachèvement de l’indépendance nationale
-
Débats entre experts dans la perspective de la tenue du 12ème Congrès de l’USFP
Un régime international du climat fortement clivé
Durant les années 1990 et jusqu’en 2009, les négociations climatiques ont été purement le domaine réservé des pays du Nord malgré la présence forte des pays en développement dans toutes les arènes des négociations avec 175 participants. Lors de la négociation du protocole de Kyoto entre 1994 et 1997, le débat a été accaparé par les pays industrialisés notamment les Etats-Unis, l’Europe, le Japon et les pays dits en transition de l’ex-Union Soviétique qui ont discuté la répartition des objectifs de réduction des émissions. Pour ces pays, et à leur tête les Etats-Unis, l’enjeu a été de trouver « de futurs accords qui ne leur soient pas trop défavorables par rapport aux pays émergents, eu égard à leur responsabilité historique ».
En effet, les négociations internationales sur le climat dépassent le seul objectif de réduction des émissions des GES puisqu’elles sont imprégnées par des enjeux politiques et géopolitiques sérieux et sont traversées par des rapports de force entre les différentes parties traduisant des inégalités et des déséquilibres entre des pays riches et développés majoritairement situés dans l'hémisphère Nord et des pays en développement ou pauvres situés, pour la plupart, au Sud.
Changement climatique, un canular
Durant les années 1980 et 1990, les pays en développement ne se sentaient pas concernés par le problème du changement climatique ou menacés par ce fléau. Pour eux, le changement climatique est d’abord un problème de surconsommation et ils refusaient catégoriquement de le considérer comme un problème planétaire. Ils sont même allés jusqu’à considérer l’alerte climatique comme « un cauchemar fabriqué par les scientifiques et les politiques des pays du Nord » pour entraver leur développement. Ainsi et tout au long des négociations qui ont précédé la Conférence de Copenhague, les pays en développement ont refusé toute différenciation entre eux et sont restés attachés à la répartition pays « annexe I » et « non-annexe I » qui a été initiée par la CCNUCC en 1992 et confirmée par le protocole de Kyoto en 1997.
Il a fallu attendre la conférence de Bali en 2007 et son plan d’action pour que les termes « pays développés» et «en développement» soient utilisés pour la première fois. Ces termes ont été utilisés de nouveau dans l’Accord de Copenhague, mais ce dernier a maintenu, cependant, la distinction entre les pays annexe I et non-annexe I. Cette même ambivalence s’est retrouvée dans les décisions ultérieures prises lors de la Conférence de Cancún jusqu’à celle de Doha. De leur côté, les pays émergents ont toujours refusé de constituer une catégorie intermédiaire ou de rejoindre les pays de l’annexe I.
Durant cette même période, les pays en développement étaient également très critiques vis-à-vis du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et ont refusé le cadrage politique dans lequel a été inséré le problème climatique trop marqué, selon eux, par la présence des sciences dures et la modélisation numérique ainsi que par le choix de 1990 comme année de référence pour tout calcul des évolutions.
C’est après la COP 15 (Copenhague) que la position des pays du Sud va largement évoluer vers la défense d’un «droit égal à l’atmosphère commune», considérant ce dernier comme un bien commun et le développement comme un droit humain tout en revendiquant des financements pour l’adaptation, une atténuation non contraignante et une transition vers une économie sobre en carbone dès que ces pays africains pourront jouir d’un renforcement de capacité, de financement et de transfert de technologie. Des demandes qui ont été réaffirmées avec force lors de la Conférence de Paris (COP21).
Des réserves et des doutes
Pourtant et jusqu’à aujourd’hui, les relations entre le Nord et le Sud sont encore marquées par le manque de confiance et le doute. Les pays en développement accusent les pays industrialisés de « saboter » les négociations et de vouloir « réinterpréter » les accords sur le climat. Ces derniers estiment, de leur côté, que les pays en développement ne sont pas prêts à se fixer des objectifs climatiques ambitieux et cherchent plutôt à accumuler les fonds et concessions, « alors même qu’ils n’ont pas de plans d’adaptation et ne savent pas comment utiliser les fonds climatiques dont ils disposent déjà ».
Une situation qui n’a guère dérangé les pays du Sud qui ont estimé et pendant longtemps être les victimes de ces pourparlers et se sont mêmes servis de ce raisonnement pour afficher leur opposition à toute nouvelle négociation fondée sur les critères de Kyoto (rôle du GIEC, consensus de Rio, etc.).
A rappeler, cependant, que les pays en développement ont été les premiers à ratifier la Convention et le Protocole. Ils ont été même qualifiés de « bons élèves » comme c’est le cas d’ailleurs pour tous les traités internationaux sur l’environnement.
Tsayem Demaze Moïse ne considère, toutefois, pas cet engagement comme preuve de respect ou d’un souci de l’environnement chez ces pays du Sud, mais plutôt un raisonnement lié aux intérêts nationaux ou à des contraintes internationales. Ceci d’autant plus que l’engagement de ces pays ne leur coûte rien et leur permet, à l’inverse, de bénéficier d’un traitement de faveur comme le souligne l’article trois de la CCUNCC qui met en avant le principe d’équité et de responsabilité communes mais différenciées tout en précisant qu’il appartient, en conséquence, aux pays développés d’être à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes.
Hassan Bentaleb