«Un portrait de Jane Austen» de David Cecil : Une biographie aux allures de roman


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Mercredi 18 Mars 2009

«Un portrait de Jane Austen» de David Cecil : Une biographie aux allures de roman
De l’écrivain anglais Jane Austen, nous savons peu de choses sinon qu’elle est l’auteur de «Raisons et sentiments», « Orgueil et préjugés », «Emma» ou encore « Persuasion », tous publiés au début du XIXe siècle et qui demeurent encore à ce jour célèbres. Que tous ses romans s’inscrivent dans l’univers verdoyant et tranquille de la campagne anglaise où elle a vécu toute sa vie durant. C’est avec laconisme qu’elle dévoile le cadre de ses histoires : “Deux ou trois familles dans un village de campagne, c’est le sujet de roman par excellence.”
Nous savons encore de Jane Austen qu’elle porte sur ses personnages un regard impartial qui leur offre une épaisseur psychologique. Voici d’emblée un exemple tiré d’«Orgueil et préjugés» susceptible de souligner ce trait de caractère auquel il est difficile d’être insensible. Quand le héros Darcy confesse : “J’ai été égoïste toute ma vie, mais en pratique, pas en principe”. Il révèle le défaut majeur de tout homme qui a la simple habitude de faire selon son bon vouloir. Le réalisme des personnages, évoluant dans le cadre bucolique anglais du XVIIIe siècle, a séduit les réalisateurs. Déjà « Raisons et Sentiments » et plus récemment « Orgueil et Préjugés » ont été portés à l’écran par Ang Lee (1995) pour le premier, et Joe Wright (2005) pour le second. Si le cinéma offre une reconstitution visuelle réaliste et subliminale de l’environnement romanesque, il n’en demeure pas moins que nul dialogue, nul jeu d’acteur, aussi performant soit-il, n’arrive à la hauteur des analyses psychologiques aussi seyantes que caustiques de Jane Austen. Les lecteurs d’hier comme d’aujourd’hui sont séduits par “la peinture réaliste de la vie sociale et domestique décrite sous la plume d’une femme et sur le mode comique” .
Jane Austen a si bien reconstitué l’univers de la petite noblesse anglaise, a été si fine dans l’esquisse de ses personnages, qu’on l’a trop facilement associée à ses héroïnes. Voici une méprise à laquelle David Cecil (1902-1986), aristocrate britannique et professeur de littérature anglaise à Oxford, a souhaité remédier. En 1978, il publie un « Portrait de Jane Austen » reconnu désormais comme un classique. Il aura fallu attendre pas moins de trente ans pour que le livre soit traduit en français. Grâce à la traductrice Virginie Buhl, c’est enfin chose faite. Et le plaisir est grand de pénétrer dans l’histoire intime de Jane Austen. David Cecil prévient que peu de données biographiques ont subsisté. Une mince correspondance avec sa très chère sœur Cassandra et ses nombreux frères a survécu. De plus, Jane reste peu démonstrative dans ses lettres. Pourtant David Cecil en tire assez de matière pour brosser son portrait. Il parvient à donner à sa biographie des allures de roman “à la Jane Austen” très précisément, et ce n’est pas sans déplaire au lecteur.
Jane Austen appartient à la gentry anglaise, laquelle n’éprouve aucun complexe face à ses parents aristocrates. Les deux milieux, qui n’en forment qu’un, se respectent et s’estiment. Voici déjà un point qui diffère de la majorité de ses héroïnes. Ces dernières sont issues d’une famille moins noble et ressentent souvent leur infériorité hiérarchique comme un handicap majeur dans leur désir d’ascension sociale. Jane grandit à Steventon dans le presbytère de son père, George Austen, avec sa sœur Cassandra et ses six frères. Les valeurs de respect et de vertu conquièrent le cœur de chaque membre de la fratrie. Et c’est dans une ambiance joyeuse que Jane s’ouvre à la vie. Chez les Austen, on reçoit souvent et avec savoir-vivre. En plus de son tempérament heureux et de son goût pour les belles lettres, elle hérite probablement de la lucidité de sa mère. Cet esprit réaliste décèle rapidement “tout contraste comique entre faux-semblants et la réalité, entre la vérité et la vanité des rêves, et s’en amuse».
 De ce trait lui vient assurément son génie romanesque : “Transformer ces comédies vivantes et sans prétentions, satires de la vie sociale et domestique, en vecteurs de commentaires profonds et éclairants sur les drames de la vie”. Dès ses douze ans, Jane devient écrivain en s’amusant à écrire des saynètes, certes comiques, mais qui laissent d’ores et déjà apparaître son regard réaliste sur la nature humaine. Toute sa jeunesse à Steventon n’est que fêtes, bals et réjouissances. La campagne offre ce cadre idyllique propice aux balades, jeux et chasses. La vie sociale dans cette province anglaise n’a rien à envier à la frénésie de Londres. La jolie Jane part souvent visiter de la famille pour plusieurs semaines voire parfois plusieurs mois. Les années s’écoulent tranquillement.


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