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Selon un communiqué de l'Association, l'organisation de " Sidaction Maroc est nécessaire pour la collecte de fonds indispensables à l'ALCS et aux associations partenaires pour mener des actions de prévention, de soutien psychosocial et de prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Ils sont aussi utiles pour financer des projets de recherche sur le VIH qui permettent d'améliorer la prise en charge médicale des patients ".
Les deux précédentes éditions de Sidaction Maroc ont permis à l'ALCS de collecter près de 22.8 millions de DH. Selon des documents de l'Association, 53% de ces fonds collectés en 2005 ont été consacrés aux actions de prévention et 47% à l'amélioration de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH.
Quant à l'année 2008, l'Association a financé le renforcement et le développement d'autres associations de lutte contre le Sida et des projets de recherche pour un montant représentant 31,5% de la collecte nette du Sidaction. Le reste a servi à financer l'achat de médicaments et à renforcer les sections existantes de l'ALCS ainsi que la mise à niveau des centres de dépistage.
Pourtant, cinq ans après sa création, Sidaction Maroc suscite encore des interrogations sur le sort des fonds collectés, sur l'utilité de l'opération elle-même et sur la partie qui l'organise.
Il faut noter que les dons collectés lors des Sidactions vont directement dans les caisses d'une seule Association, à savoir l'ALCS, alors qu'au Maroc, il y a au moins trois grandes Associations spécialisées dans la lutte contre ce fléau. Il s'agit notamment de l'ALCS, de l'OPALS, de la Ligue de lutte contre les MST-Sida.
Pourtant seule l'ALCS est habilitée à organiser le Sidaction et il n'a jamais été question pour elle de partager les fonds collectés avec qui que ce soit. S'agit-il d'une monopolisation de la lutte contre le Sida par l'ALCS?
Autre question et pas des moindres : à quoi servent ces fonds ? L'ALCS précise que ces dons servent à la prévention, à la recherche et à la prise en charge médicale des patients. Certes, le volet prévention fait partie des compétences de l'Association, mais il est difficile de croire qu'elle prend totalement en charge des patients vivant avec le virus du Sida. Ceux-ci le sont par le ministère de la Santé et le financement de cette prise en charge est assuré à hauteur de 50% par ce département et à 50% par le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.
Le département de la Santé demeure ainsi le principal récipiendaire des subsides de ce Fonds et les Associations telles que l'ALCS, OPALS et la LMLMST ne sont que des sous-bénéficiaires de celui. De plus, c'est le ministère qui se charge de répartir les subventions entre elles.
Il faut noter également que la plupart des locaux relevant des ONG marocaines œuvrant dans le domaine de la lutte contre le Sida appartiennent au ministère de la Santé.
Sans oublier que l'équipement de ces locaux, les médicaments pour le traitement des IST (Infections sexuellement transmissibles), les préservatifs, les fongibles et les tests rapides de dépistage anonymes et gratuits de l'infection du VIH/Sida sont également fournis par le ministère de la Santé.
Autre fait troublant : à quoi sert l'argent du Sidaction puisque les subsides du Fonds mondial de lutte contre le Sida, le soutien français du GIP Esther (Groupe d'intérêt public Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau) et celui de l'Agence nationale de recherche sur le Sida, subviennent largement aux besoins de la prise en charge de tous les malades marocains fréquentant les six centres spécialisés qui existent à travers le Maroc.?
Enfin et au-delà de ces aspects financiers, quel impact a eu le Sidaction Maroc sur le programme de lutte contre cette maladie ? Difficile d'y répondre, mais force est de constater que l'épidémie du Sida continue de se propager et les chiffres parlent d'eux-mêmes : 3.621 cas d'infections enregistrés en 2010, 30.000 pour le VIH et 350.000 nouveaux cas d'IST enregistrés chaque année.
Pour Nadia Bezad, présidente de l'Organisation panafricaine de lutte contre le Sida (OPALS-Maroc), le constat est amer. " Il y a de plus en plus de fonds qui sont mobilisés en faveur de la lutte contre le Sida dans notre pays. Mais ces progrès sont largement insuffisants pour combattre une épidémie qui continue à progresser rapidement. D'autant qu'un autre pari reste à relever : celui de réussir à utiliser au mieux les ressources disponibles pour permettre d'élargir l'accès aux traitements ".
Concernant sa position à propos du Sidaction, Mme Bezad ne va pas par quatre chemins : les Associations n'ont pas pour rôle de collecter l'argent. " Chacun a un rôle à jouer. On ne peut pas nous substituer à l'Etat. La question du traitement et des soins est du ressort de ministère de la Santé et les Associations doivent se contenter de leur mission, à savoir la prévention et la formation ", précise-t-elle.
Mme Bezad a, en outre, qualifié de dangereux l'appel à la générosité publique pour lutter contre une maladie chronique tel le Sida. Elle met en garde contre la confusion des rôles et estime que le citoyen ne doit pas remplacer l'Etat dans ses fonctions. " Le Sida est une maladie chronique. Et je trouve inconcevable qu'on demande aux citoyens de mettre la main à la poche pour financer les actions de soins et de traitement que l'Etat est censé prendre en charge. Aujourd'hui, on collecte de l'argent pour lutter contre le Sida, demain, on va collecter des dons pour d'autres maladies comme le diabète et du coup, c'est au citoyen de se substituer à l'Etat et de payer la facture. Je me demande si l'Etat n'a pas les moyens d'assumer son rôle. Si oui, qu'on le sache ", s'interroge-t-elle avant de poursuivre : " La question qui s'impose aujourd'hui, c'est de connaître quel effet ces collectes des fonds ont eu sur la lutte contre le Sida".
La présidente d'OPALS Maroc pense que le Sida est d'abord un problème de société et d'éducation qui impose l'implication de plusieurs parties, à savoir les médias, l'école, la famille,…. " Se focaliser sur l'aspect financier pourrait porter un grave préjudice à la lutte contre ce fléau ", a-t-elle conclu.
De son côté, l'ALCS assure que ses comptes sont régulièrement vérifiés par un bureau international d'audit, et que les fonds collectés lors du ces Sidaction Maroc n'échapperont pas à la règle. Un Comité de garantie de la transparence a été constitué afin de veiller à la collecte des dons et s'assurer de leur utilisation conformément aux objectifs tracés.
Pour sa part, Ahmed Douraidi, coordinateur national des sections de l'ALCS, a refusé de faire le moindre commentaire sur le sujet et a considéré que toute déclaration à son propos est un discours creux qui entrave le travail de l'Association et qui ne mérite pas de réponse. " Chacun a le droit de s'exprimer comme il veut et on est pour la liberté d'expression, mais on se refuse à toute interprétation".
Une remarque, néanmoins, le Sidaction Maroc est certes allé chercher son nom en France, mais il a oublié d'en suivre l'exemple. En effet, la gestion des deniers collectés dans ce pays se fait de manière rigoureuse et transparente. Tellement transparente d'ailleurs que la Cour des comptes française a indiqué dans son dernier rapport que "la situation de Sidaction apparaît solide au vu de son bilan" et souligné la transparence de l'Association et la qualité de l'information apportée aux donateurs.
Idem pour l'Inspection générale des affaires sociales qui a souligné, dans son plus récent rapport, l'efficacité et la bonne gestion de Sidaction et précisé que l'Association qui l'organise donne des "garanties excédant les exigences légales requises en matière de protection des donateurs et de transparence".