Abdel Fattah al-Sissi, le militaire architecte de l'éviction de l'islamiste Mohamed Morsi, a annoncé mercredi qu'il se présenterait à la présidentielle prévue au printemps, une déclaration attendue depuis des semaines en Egypte, où il bénéficie d'une immense popularité. Réagissant à l'annonce de celui qui était jusqu'à mercredi soir encore ministre de la Défense, vice-Premier ministre et chef de l'armée, les Frères musulmans, l'influente confrérie du président destitué, ont répliqué qu'il n'y aurait "pas de stabilité" sous une présidence Sissi, grand favori du scrutin à venir. Il y a huit mois, c'est Abdel Fattah al-Sissi --alors général-- qui apparaissait à la télévision pour annoncer l'éviction de Morsi, seul président jamais élu démocratiquement du pays.
Mercredi soir, il s'adressait à la nation "pour la dernière fois dans un habit militaire", pour mettre fin à un suspense qui n'en était plus un depuis longtemps.
"En toute humilité", a-t-il dit, "je me présente à la présidentielle de l'Egypte". Comme le prévoit la Constitution, il a dû abandonner ses fonctions au sein de l'armée et du gouvernement pour être éligible. Mais sa démission, a-t-il promis, ne l'empêchera pas de "continuer à combattre tous les jours pour une Egypte débarrassée du terrorisme". Dans un pays où tous les présidents -à l'exception de M. Morsi- ont été issus de l'armée, Abdel Fattah al-Sissi incarne l'homme fort capable de faire revenir la stabilité, alors que l'Egypte est régulièrement secouée par des crises et désertée par les touristes depuis la révolte de 2011 qui chassa du pouvoir Hosni Moubarak.
Ahmed Ali, ingénieur de 52 ans, a assuré à l'AFP qu'il allait voter "avec toute sa famille" pour le maréchal car "le pays a besoin d'un homme comme lui, une forte personnalité". Ali Amine, 30 ans, était moins enthousiaste, mais a estimé qu'il n'y avait "pas d'autre alternative: "Sissi est trop puissant, il aurait causé des problèmes au futur président". Mais, a-t-il noté, cette candidature pourrait porter préjudice à l'Egypte car "l'Occident le voit déjà comme un putschiste".
Depuis que l'armée a destitué M. Morsi et installé un gouvernement intérimaire, policiers et soldats répriment implacablement toute manifestation de l'opposition. Cette violente campagne a fait, selon Amnesty International, au moins 1.400 morts.
Parallèlement, des groupes jihadistes multiplient depuis juillet les attaques contre les forces de l'ordre qui ont fait plus de 200 morts et un attentat a récemment visé des touristes.
Il n'y aura ni "stabilité ni sécurité sous une présidence Sissi", a prévenu Ibrahim Mounir, membre du bureau politique des Frères musulmans, joint par téléphone à Londres.
Outre les questions de "sécurité", celui qui est désormais le second candidat déclaré à la présidentielle --son unique adversaire étant pour le moment le leader de gauche Hamdeen Sabbahi-- a évoqué les dossiers "économiques et sociaux", citant notamment "les millions de jeunes chômeurs".