
Le dernier en date est celui de la militante Nassira Dutour, expulsée récemment de son propre pays, l’Algérie.
Présidente de la Fédération euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées et figure emblématique du combat des familles des disparus en Algérie, Nassira Dutour a été refoulée sans justification légale du territoire national, le 30 juillet 2025, à son arrivée à l’aéroport Houari Boumédiène d’Alger. Elle a été renvoyée vers la France, pays dans lequel elle réside en exil.
« Mon fils a disparu. Et maintenant, on me refuse l'entrée. Mais tant que je pourrai parler, je le ferai. Pour lui. Pour les autres. Pour la mémoire. Pour la justice », a déclaré Nassira Dutour juste après son expulsion, affirmant avoir été empêchée d’entrer sur le territoire algérien malgré la possession de tous les documents nécessaires.
Le Matin d’Algérie a fermement condamné l'expulsion de Nassira Dutour par les autorités algériennes. « Le refoulement de Nassira Dutour, militante des droits humains, présidente de l’association des familles de disparus en Algérie et mère d’un disparu de la décennie noire, à son arrivée à l’aéroport d’Alger, relance un débat fondamental : un Etat peut-il interdire à ses propres citoyens de fouler leur sol ? », s’est indigné ce média critique du pouvoir algérien. Et d’ajouter dans cet article intitulé : « Refouler ses propres citoyens : l’Algérie face à une dérive inquiétante » que « la pratique, rarissime ailleurs, semble s’installer en Algérie. Après l’expulsion forcée du journaliste Farid Alilat en 2024, ce nouvel épisode soulève une vague d’indignations, y compris au sein des institutions ».
«L’interdiction, à la fois autoritaire et anticonstitutionnelle, faite à Nassira Dutour – présidente de l’Association des familles de disparus en Algérie – de rentrer dans son propre pays, ainsi que la révision du code minier adoptée sans débat, qui concède jusqu’à 80 % de l’exploitation des ressources nationales aux multinationales tout en ignorant l’interpellation de trois partis d’opposition dénonçant une atteinte grave et irréversible à la souveraineté nationale, révèlent une même dérive. Celle d’un pouvoir qui gouverne seul, sans explication, ni contre-pouvoir, sans se sentir tenu de rendre des comptes, et qui piétine les lois qu’il a lui-même instituées », a fustigé Le Matin d’Algérie.
Les réactions après le refoulement de Nassira Dutour ont été vives et unanimes, dénonçant un acte arbitraire et inacceptable.
A cet égard, l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) a exprimé sa profonde indignation face à l’expulsion arbitraire de la militante algérienne Nassira Dutour.
Cette décision, selon l’OMDH, constitue une entrave grave aux droits fondamentaux et une violation manifeste des libertés d’expression et de mouvement. Depuis la disparition de son fils en 1997, Nassira Dutour n’a cessé de réclamer vérité et justice pour les milliers de disparus algériens, victimes de la «décennie noire». Son engagement continu lui a valu une reconnaissance au niveau régional, mais aussi une répression constante de la part des autorités algériennes.
Dans un communiqué, l’OMDH a fermement dénoncé cet acte qualifié d’arbitraire et d’inacceptable, soulignant qu’il reflète une volonté claire de la part des autorités algériennes de faire taire les voix dissidentes et de dissuader toute initiative visant à faire la lumière sur les crimes de disparition forcée.
En tant que membre du conseil d’administration de la Fédération euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (FEMED), l’OMDH exprime sa solidarité pleine et entière avec Nassira Dutour ainsi qu’avec l’ensemble des militantes et militants du Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), qui continuent de faire face à des restrictions, intimidations et poursuites.
L’OMDH rappelle la légitimité du combat des familles des disparus et appelle l’Etat algérien à respecter ses engagements internationaux en matière de droits humains, en particulier ceux relatifs à la protection des défenseurs des droits. Elle exige l’ouverture immédiate d’une enquête sérieuse et indépendante sur le sort des personnes disparues en Algérie et exhorte les autorités à mettre fin à l’impunité.
Le CFDA et la FEMED ont également condamné cet acte, le qualifiant de grave atteinte aux droits fondamentaux et à la constitution algérienne, rappelant que nul citoyen ne peut être privé du droit d’entrer dans son propre pays. Ils ont appelé à une mobilisation internationale pour dénoncer ce refoulement et soutenir la liberté d'expression et d'association en Algérie
Des voix politiques, comme celle d’Abdelouahab Yagoubi, député du Mouvement de la société pour la paix (MSP), ont qualifié cet acte de dérive autoritaire et de violation flagrante de la Constitution et des engagements internationaux de l’Algérie, évoquant une instrumentalisation sécuritaire du droit.
Mourad Tabet