Le débat sur la prochaine rentrée scolaire prévue le 7 septembre prochaine continue à diviser l’opinion publique marocaine entre ceux qui sont pour l’enseignement à distance et ceux qui sont contre. Pourtant, une question est passée inaperçue : qu’en est-il des manuels et fournitures scolaires et de la méthodologie de travail ? Le ministère de l’Education nationale compte-t-il procéder avec les mêmes outils pédagogique d’avant le Covid-19 ou s’attend-on à une révolution ? Autrement dit, fautil s’attendre à la mise en place d’un cartable numérique (virtuel) ou les parents d’élèves seront-ils appelés, comme ce fut le cas auparavant, à acheter des tonnes de manuels, de cahiers et de stylos ? « Ce sujet est occulté du débat public et le ministère de tutelle préfère garder le silence sur ce point alors qu’on est à quelques jours de la rentrée scolaire », nous a indiqué Hicham Attouch, président du Forum des économistes marocains (FEM). Et de poursuivre : « En effet, aucune mesure, action ou programme concernant cette question n’a été annoncé alors qu'en ces temps de propagation du Covid-19, la règle d’or exige que l’on utilise de moins en moins de supports papiers et que l’on recoure à la digitalisation notamment via les supports numériques. Autrement dit, il faut intégrer la technologie dans le processus d’apprentissage». Même évaluation de la part d'Aicha Maazouz, professeur de lycée, qui estime qu’aucune modification concernant ce sujet n’est annoncée à l’horizon. « La logique exige que des changements et des adaptations soient effectués. Autrement dit, une révision des méthodes pédagogiques et des contenus des manuels s’impose. Nous sommes, en effet, dans une nouvelle ère et notre relation avec le monde a changé, ce qui exige de nouveaux outils et manières de penser, d’enseigner et d’éduquer », nous a-t-elle indiqué. Et de poursuivre : « Mais, dans la réalité, rien n’a changé. Les différentes notes ministérielles diffusées dernièrement n’évoquent pas cette question et se focalisent souvent sur les procédures à suivre ». Notre source estime que les derniers examens du baccalauréat augurent qu’il n’y aura pas de changement au niveau de la manière de penser et de procéder du ministère de tutelle. « Lors de ces examens, il y a eu focalisation, à la fois, sur l’approche sécuritaire qui exige la présence physique de l’élève et sur l'accumulation des savoirs chez lui. Les autres dimensions comme la compréhension, l’analyse et le jugement ont été occultés. Ce qui en dit long sur les mutations à attendre», a-t-elle souligné. Le président du FEM estime, de son côté, que le silence des pouvoirs publics peut être expliqué par les enjeux économiques importants que représente le marché des manuels et fournitures scolaires. «Les manuels sont aujourd’hui sous presse puisque le marché a été attribué en juin dernier. Parler du cartable numérique, cela veut dire beaucoup de dégâts financiers», nous a-t-il précisé. Et de noter que «le secteur de l’enseignement semble le parent pauvre des politiques publiques de l'Etat. Si ce dernier a élaboré des plans d’appui au profit de plusieurs secteurs, celui de l’enseignement n’a bénéficié d’aucun soutien alors que les pouvoirs publics doivent accorder une attention particulière à ce domaine; notamment via les programmes existants (Tayssir et 1 million de cartables). L’Etat via ces deux programmes peut supporter le coût de passage au cartable numérique pour les enfants issus des familles vulnérables et pauvres, soit 40% des élèves marocains. Et pour les autres, il peut négocier un contrat avec des prix bonifiés tout en baissant le prix d’accès aux plateformes numériques et à celui de la connexion Internet». Aicha Maazouz estime, quant à elle, que des changements doivent être intégrés dans le processus d’apprentissage. Selon elle, il y a nécessité de se concentrer sur les matières de spécialité de chaque branche et de se débarrasser de certaines matières inutiles. Elle a également noté l’importance de la pratique hors des établissements scolaires. « Il faut mettre aussi en place une matière pour toutes les branches dont l’objet essentiel est d’enseigner les valeurs. Nous devons réinvestir notre relation avec l’Homme, l’Etat, la famille et l’environnement », nous a-t-elle expliqué. Et de conclure : « Ces changements doivent être opérés par l’Etat et il ne faut pas attendre grand-chose des enseignants qui restent les derniers maillons de la chaîne de décision. En effet, nous ne sommes que de simples exécutants qui doivent entamer la prochaine rentrée avec une certaine inquiétude, voire de la peur. Nous évoluons dans un contexte de contrainte et non plus de libre choix».