Sama Abdulahdi, de Ramallah aux Trans musicales en France

Parcours d'une DJ palestinienne


Samedi 9 Décembre 2017

A peine âgée de 16 ans, Sama Abdulahdi animait les soirées de Ramallah. S'affranchissant des codes, elle devient la première DJ techno palestinienne et écume les scènes internationales avec pour mot d'ordre: "On sait aussi faire de la musique électronique en Palestine!". "J'ai commencé à mixer en 2006 sur du hip-hop. J'ai dit à mon père, c'est ce que je veux faire et il a été compréhensif", raconte la DJ de 27 ans qui s'apprête à jouer au Festival des Trans musicales de Rennes, dans l'ouest de la France.
Ses parents la soutiennent: "Ils m'ont toujours acceptée telle que je suis", résume Sama qui fume et boit de l'alcool. "Trois shots de tequila avant d'aller sur scène pour me réveiller", c'est le secret de fabrique de la filiforme brune au regard perçant.
Née en Jordanie, DJ Sama' de son nom de scène rejoint à 4 ans Ramallah avec sa famille d'un village près de Jaffa, lorsque Yasser Arafat autorise les Palestiniens exilés à rejoindre la Cisjordanie.
Son enfance et son adolescence sont marquées par la seconde intifada (2000-2005): "Il y a les balles qui sifflent, les morts; puis le foot, le basketball, ma musique", détaille Sama qui, vêtue de vêtements amples, avait l'habitude qu'on l'appelle "le garçon manqué".
En 2010, elle se lance dans la musique électronique. Son grand frère parti étudier à l'étranger lui fait découvrir l'univers techno et lui rapporte des CDs. Sama Abdulahdi mixe sous le nom de scène "Skywalker", non pas en référence au fils de Dark Vador dans Star Wars, mais à la combinaison de son nom qui signifie "ciel" en arabe et la marque de whisky de son père, Johnnie Walker. Elle devient la première DJ, hommes et femmes confondus, à mixer de la techno dans les bars de Ramallah.
La DJ a "baigné dans la musique". "Je joue du piano, j'ai essayé la guitare, le violon et la percussion et je connais les grands classiques arabes", explique-t-elle. "Ma mère est une fan de Michael Jackson", poursuit-elle. Son cousin est le compositeur et chanteur Tamer Abu Ghazaleh qui s'est imposé au Moyen-Orient et en Europe avec son oud (luth) dans un style électro-rock.
Issue d'une famille "éduquée et privilégiée", Sama part étudier à Beyrouth où son goût pour l'électro se renforce. "C'est au Liban que j'ai appris les techniques de DJ", raconte l'artiste qui terminera son cursus d'ingénierie du son à Londres en 2011.
Fraîchement diplômée, elle s'installe cinq ans en Egypte où elle travaille dans l'industrie du cinéma. En parallèle, elle se produit dans les clubs underground du Caire et en Europe. Mais ses déplacements sont un parcours de combattante. "Nous les Palestiniens, on ne peut pas voyager", regrette Sama qui affirme ne "pas avoir le choix d'être optimiste" quant au processus de paix israélo-palestinien, fragilisé depuis l'annonce de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël. "Je n’ai jamais joué là-bas, tout d'abord, je n'ai pas le droit d'y aller et puis je ne suis pas d'accord avec la politique actuelle menée par Israël, alors comment je pourrais jouer dans un club du pays ?".
Sélectionnée par l'Institut français, elle est depuis avril en résidence à la Cité internationale des arts de Paris, où elle prépare un album associant sa techno aux musiques du monde. Avant d'aller mixer samedi devant près de 7.000 personnes aux Trans musicales de Rennes, l'artiste confie que sa première scène française en 2015 fut "une catastrophe". "J'étais tétanisée. 900 personnes me regardaient", raconte Sama qui, aidée par d'autres artistes palestiniens présents, a fini par se lancer. Depuis, elle distille sa techno sèche sur les scènes internationales avec la volonté de "placer la Palestine sur la scène électro" avec pour mantra "paix, amour et bordel, dansons !"


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