Un chantier bâclé en guise d’une mise à jour pédagogique

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Derrière ce qui aurait dû être une simple mise à jour pédagogique se cache en réalité un chantier bâclé, porté par des méthodes et des choix pédagogiques hasardeux. L’affaire, aujourd’hui portée à la lumière par l’Observatoire national du transport routier (ONTR), expose les failles d’un système d’évaluation censé être le garant de la sécurité sur nos routes.
L’alerte n’est pas venue de la rue, mais des écoles de conduite elles-mêmes. De plus en plus de formateurs et de candidats dénoncent une réforme incomprise, imposée sans concertation, et dont les effets pervers se font déjà ressentir.
Selon l’ONTR, les nouvelles questions introduites dans l’examen manquent non seulement de clarté, mais surtout de cohérence avec la réalité nationale. Certaines d’entre elles, inspirées de systèmes nord-européens, introduisent des signalisations et des concepts totalement déconnectés du contexte marocain. Une aberration sur le fond, mais aussi une entorse grave à l’article 2 du décret n°2.10.421, qui exige l’adaptation des contenus aux spécificités locales. Cette violation juridique pose d’emblée la question de la légitimité même de cette réforme.
Il faut ici mesurer l’ampleur du déséquilibre. Car cette révision de la banque de questions ne relève pas seulement d’un défaut de pédagogie ; elle révèle un glissement préoccupant vers une centralisation technocratique du processus décisionnel, au détriment des acteurs de terrain. Ni les professionnels de l’enseignement de la conduite, ni les usagers, ni les experts en sécurité routière n’ont été consultés ou informés des modifications. Le système, censé reposer sur les principes de transparence, de concertation et de progrès pédagogique, a été pris en otage par une démarche unilatérale, coupée de la réalité du terrain.
L’analyse juridique est tout aussi implacable. Aucun texte réglementaire n’a été publié pour encadrer cette nouvelle mouture de l’examen. En l’absence d’arrêtés précisant les critères de sélection des questions et les normes de validation pédagogique, ces modifications apparaissent comme un excès de pouvoir manifeste. C’est tout l’édifice légal de la formation au permis de conduire qui se trouve ainsi mis à mal. Or, dans un pays où la sécurité routière est un enjeu majeur, la crédibilité des examens ne saurait être sacrifiée sur l’autel de l’improvisation.
Les conséquences humaines, elles, sont immédiates. Depuis l’entrée en vigueur de ces nouvelles questions, les taux d’échec ont bondi, révélant non pas une baisse du niveau des candidats, mais une rupture dans l’équité de l’évaluation. Les jeunes Marocains, souvent issus de milieux modestes, se voient confrontés à des formulations floues, des références obscures, des thématiques médicales et techniques hors de portée pour un candidat lambda. L’examen du code de la route, censé évaluer les réflexes et les connaissances de base pour une conduite sûre, devient un labyrinthe conceptuel, frustrant et injuste.
Le malaise s’étend désormais aux auto-écoles, prises au dépourvu et contraintes de réviser en urgence leurs méthodes sans en avoir les outils pour accompagner cette mutation. Les formateurs eux-mêmes peinent à répondre aux interrogations de leurs élèves. Le doute s’installe. Et avec lui, une perte de confiance dans le système.
La réaction de l’ONTR est à la hauteur de la crise. L’Observatoire ne se contente pas de pointer les erreurs : il exige une enquête complète — administrative, technique, mais aussi financière. Il s’agit non seulement de déterminer qui a pris ces décisions, mais aussi de comprendre comment et pourquoi elles ont été validées sans contrôle préalable. Il s’agirait, selon certains témoignages, d’une réforme mise en œuvre dans la précipitation, sous la pression d’agendas politique ou institutionnel qui n’a pas pris la mesure des enjeux.
Le remède proposé est clair et raisonnable : suspendre les nouvelles questions, les soumettre à une révision scientifique rigoureuse, et associer enfin les professionnels, les pédagogues, et les représentants de la société civile au processus. Ce n’est pas une exigence corporatiste, mais une exigence démocratique. La sécurité routière est une affaire collective. Et l’examen du permis de conduire, qui en est un pilier, ne peut se construire sur l’exclusion, le flou et la verticalité.
Au-delà de la polémique immédiate, cette crise révèle un mal plus profond. Elle interroge notre capacité à réformer sans brutaliser, à moderniser sans trahir les principes de justice et d’efficacité. Dans un pays où les routes tuent encore chaque jour, où les jeunes voient dans le permis une clé d’émancipation sociale, il est impératif de reconstruire un système d’évaluation crédible, cohérent et humain.
Le débat ouvert par l’ONTR est salutaire. Il nous oblige à repenser le sens même de l’examen du permis de conduire: non pas en tant qu’obstacle bureaucratique, mais plutôt comme un rite d’entrée dans une citoyenneté responsable. Car sur nos routes, l’erreur n’est pas seulement humaine. Elle peut aussi être institutionnelle.
Mehdi Ouassat