Réinsertion des agriculteurs du cannabis: La légalisation partielle ouvre la voie à de nouveaux enjeux et à de nouvelles perspectives

Réinsertion des agriculteurs du cannabis


Hassan Bentaleb
Jeudi 22 Août 2024

Réinsertion des agriculteurs du cannabis: La légalisation partielle ouvre la voie à de nouveaux enjeux et à de nouvelles perspectives
4.800 est le nombre d’agriculteurs condamnés, poursuivis ou recherchés dans des affaires liées à la culture du cannabis et qui ont été graciés par Sa Majesté le Roi.

Le but de cette initiative est de favoriser l'intégration des bénéficiaires dans la nouvelle stratégie mise en place après la légalisation partielle de la production du cannabis à des fins thérapeutiques. Selon l'ONU, le Maroc est le premier producteur mondial de cannabis ayant mis en place en 2021 une loi régissant les utilisations industrielles et les usages du cannabis.
 
Intégration         

Pour l’Observatoire marocain de la légalisation du cannabis (OMLC), « la question d’accès aux droits économiques, sociaux et culturaux s’impose  avec acuité  ainsi que leur intégration dans la nouvelle stratégie de régularisation des activités en relation avec le cannabis. La question de la participation au développement des cultures alternatives et aux activités non agricoles, comme l’a déjà souligné Sa Majesté le Roi, se veut aussi une nécessité».   Notamment,  «dans une région qui reste marquée par un marasme économique dû à la hausse des prix et la dégradation du pouvoir d’achat  sans oublier l’exclusion et l’éloignement malgré l’entrée en vigueur il y a trois ans  du chantier de régularisation», précise un communiqué de l’OMCL.

Victimes

D’autant que, ajoute l’Observatoire, les personnes graciées (poursuivies ou en fuite) sont victimes de plaintes malveillantes de la part de patrons de la drogue ou de certains élus à cause de calculs politiques ou de conflits relatifs à la terre ou à l’irrigation. Pour l’OMLC, ces personnes demeurent « une catégorie sociale qui a trop souffert à cause des législations qui ont mis à pied d’égalité les simples agriculteurs avec les trafiquants qui exploitent leur pouvoir afin d’exclure ces petits producteurs». Et de poursuivre : «Pis, certains de ces derniers ont été victimes d’escroquerie notamment de la part de certaines personnes se présentant comme étant des intermédiaires capables d’annuler les mandats d’arrêt, ou exploités  à l’occasion de scrutins législatifs par des candidats prétendant pouvoir mettre un terme aux mandats d’arrêt».
 
Développement

Face à cette situation, l’OMLC recommande la mise en place d’ «un modèle de développement dédié aux zones traditionnelles de culture du cannabis, ainsi que d’un mécanisme juridique régularisant  l’usage personnel du kif, considéré comme un héritage culturel ancestral ». «L’idée de revoir la répartition territoriale  de la région en procédant à la création d’une nouvelle province, à savoir Sanhaja dont le centre sera Targist et celle de Ghamara dont le centre sera Bab Barad s’impose également comme une  issue». Tout en appelant à «la poursuite des responsables et des élus corrompus », le considérant comme «un acte politique pour rompre avec le passé et un élément central pour faire émerger de nouvelles élites, à même de  gérer les affaires locales et de défendre les intérêts de la région».

Entraves

Toutefois, les membres de l’OMLC soutiennent qu’il y a plusieurs entraves qui handicapent l’intégration des cultivateurs dans le chantier de légalisation. A ce propos, ils citent la poursuite de la culture illégale du cannabis en dehors des espaces territoriaux  des provinces d’Al Hoceima, Chefchaouen et Taounate (notamment à Ouazzane, Larache et Tétouan) ; l’exploitation des grands barrages dans le nord du pays  (notamment à Ouazzane et Taounate) pour irriguer les champs de cannabis illégaux dans un contexte marqué par le stress hydrique et l’absence d’une stratégie pour faire face à la sécheresse dans les régions de culture du kif traditionnelle, ce qui contribue à  l’amplification du phénomène du stress hydrique dans la région.

Le communiqué évoque également la propagation des produits chimiques, qui entrent au pays d’une manière illégale, la discrimination dans l’attribution des aides destinées aux coopératives avec l’exclusion totale des petits agriculteurs et l’absence d’une stratégie de communication ouverte de la part de l’Agence nationale de régularisation qui adopte une méthode bureaucratique et une communication de type « tops-down ».

Hausse

Des contraintes qui exigent une autre manière de penser et de faire d’autant que les surfaces autorisées sont en augmentation passant de moins de 300 hectares (ha) en 2023 à environ 3.000 ha cette année, réparties entre Al-Hoceima, Chefchaouen et Taounate. Il y a également une hausse du nombre d'agriculteurs agréés, environ 3.300, soit sept fois plus qu'il y a un an. A noter, selon l'ANRAC, que la valeur ajoutée d’un kilo de cannabis autorisé est réelle avec un prix estimé à "entre 10 et 20 dirhams" pour un kilo de cannabis vert illicite, contre "75 dirhams" pour le cannabis autorisé, dont les tarifs sont fixés via des accords.

Il est néanmoins très difficile de sortir de l'illégalité, révèle le journal Le Monde. Et de préciser que «les cultivateurs qui ont franchi le pas ne représentent encore qu'une petite partie des 400.000 personnes qui vivent officiellement du trafic ». Selon les estimations, il s'agissait de plus de 55.000 hectares de terres en 2019. Selon les Nations unies, le Maroc a produit 23.000 tonnes (t) d'herbe et 800 tonnes de résine en 2021, ce qui en fait l'un des principaux pays fournisseurs de cannabis à l'échelle mondiale.

Hassan Bentaleb
 


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