Ramadanienne de Mohamed Bakrim : Religion : le commerce des rites et des symboles


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Mardi 1 Septembre 2009

Ramadanienne de Mohamed Bakrim : Religion : le commerce des rites et des symboles
La religion occupe le terrain. Disons plus exactement, le fait religieux, car la religion en tant qu’expression d’une forme de croyance, comme traduction d’un désir d’interprétation du monde, a toujours été là sous une forme ou une autre. Aujourd’hui, c’est l’irruption du discours religieux dans la sphère publique qui  constitue l’un des phénomènes caractéristiques de notre époque. Discours porté par une multitude de signes: à la Une de ce journal une fatwa d'un imam autorisant les footballeurs nationaux à rompre le jeûne par devoir sportif lors du match contre le Togo, des  prières affichées en jolie calligraphie arabe sur les vitres des voitures…je ne parle pas de l'exubérance de la mode vestimentaire islamique. Nos rues et différentes artères sont devenues des tremplins de mode émanant de l'Extrême-Orient asiatique…bref, on affiche bien sa religiosité. On en fait non pas un choix individuel mais un signe extérieur d'appartenance…
Régis Debray a très tôt réfléchi sur le sujet. Il avait déjà publié «Dieu un itinéraire». Il a également été l’auteur d’un rapport sur l’enseignement du religieux à l’école laïque pour le compte du ministère de l’Education nationale français. Il préside le comité de direction de l’Institut européen en sciences des religions, auprès de l’Ecole pratique des hautes études. Il a publié en outre en 2003 un ouvrage essentiel Le feu sacré (Fayard, Paris, 390 pages). L’auteur souligne d’emblée sa démarche, le livre se présente comme un «essai de récapitulation». Il vient clore un long voyage mêlé d’enquêtes et de conjectures à travers la thématique de la croyance, ses motifs et ses nuances. Il rappelle ainsi que cela avait commencé par Critique de la raison politique ou l’inconscient religieux (1981) avec d’autres titres comme Vie et mort de l’image (1992) ou encore Croire, voir, faire (1997). Le Feu sacré s’articule autour de cinq axes : Fraternités, Hostilités, Identités, Unité, Actualité. «Notre monde contemporain, qui voulait tant faire jeune et déluré, trébuche sur des anachronismes, anathèmes, paradis, et guerres saintes», tel est le constat dressé en ouverture et qui invite à une posture d’humilité pour accompagner l’auteur dans cette vaste entreprise   qui diversifie le regard en variant les angles mais aussi en l’enrichissant par un apport iconographique très dense. Chaque chapitre cerne une dimension des relations humaines à travers les fonctions vitales sociales et psychologiques. C’est une lecture très documentée, multi-référenciée des produits de l’imaginaire qui se révèlent une entrée pertinente pour aborder le réel. Pour Debray en effet, le sacré se révèle une voie d’accès au profane. Le fait religieux apparaît alors dans ce qu’il est un indicateur de la réalité humaine : «Sonder le mentir-vrai des croyances humaines. Pour nous élever du fait au facteur religieux. Pour remonter du mobile au moteur. Pour comprendre un peu mieux comment s’élabore, tous temps et tous lieux entrecroisés, actualité incluse, le poème du monde ».
Le fait religieux, ce n'est pas seulement une pratique codée mais aussi une profusion de symboles et une succession de rites. "Une religion, c'est d'abord une façon de s'habiller, d'arranger son intérieur, de se laver et de se marier": regarder tout le commerce parallèle qui se développe à la périphérie des mosquées de nos villes. On y propose toute une gamme de produits et de recettes qui attirent les fidèles/adeptes. "Que  chacun vénère les dieux selon le rite de sa cité", notait déjà Socrate en conclusion de ses recommandations sur la piété.  Les fidèles s'organisent en fonction d'un agenda, d'un rituel social qui ramène la doctrine à une simple couverture. Le rite tient lieu de ciment de la communauté: plus on substitue la loi du sol à la loi du sang plus les rites sont indispensables. Car le lien est désormais fragile, il faut l'entretenir par des liturgies réglées.  Régis Debray: "Les festivités, gestes et paroles obligés ont néanmoins pour première vertu de réparer les distances et la mort. Ils compensent les effets délétères de l'éparpillement physique, neutralisent les diasporas par la mémoire".  Regardons autour de nous: les rites l'emportent sur la prière; ce n'est plus de la religion, c'est surtout de la religiosité qui s'affiche. Tant mieux si les gens y retrouvent leur sérénité.



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1.Posté par ismail ida le 02/09/2009 00:20
la religion telle que pratiqée communément est vidée de sa substance. réduite à de rituels compulsifs, la philosophie pacifiste prônée y fait défaut.on rivalise dans la tenue la plus pieuse et de la on exhibe des modes vestimentaires multiples pour paraitre plus musulman que les autres.N est religion que ce qui conicide avec humanisme et tolerence y compris l acceptation de la liberté du culte.

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