Ramadanienne de Mohamed Bakrim : Les Marocains ont-ils les nerfs à vif? La violence partout

Samedi 29 Août 2009

Ramadanienne de Mohamed Bakrim : Les Marocains ont-ils les nerfs à vif? La violence partout
C'est presque un film du genre interdit au moins de 16 ans qui nous est servi quotidiennement. Le sang est partout: viol, crime, accident, meurtre, torture…la violence est omniprésente. Et les médias s'en donnent à cœur joie. Les JT new-look de 2M trouvent un contenu pour le credo annoncé comme ligne éditoriale pour leurs informations dites de proximité sociale et la proximité, désormais, c'est la violence. Un car se renverse, deux voitures se télescopent, une bonne est torturée à Oujda, une autre tue des jumeaux à Inezgane…A la Une de nos quotidiens, le Maroc donne l'impression d'être à feu et à sang.  Certains n'hésitent pas à verser dans une lecture sociologique sauvage et font le lien entre l'exacerbation de la violence et les effets conjugués de la canicule et du jeûne.  Les Marocains ont-ils les nerfs à vif en cette saison exceptionnelle qui connaît aussi la convergence d'autres facteurs excitants : la hausse des prix, la multiplication des sollicitations familiales et sociales…? Bref, il y a de quoi craquer. Heureusement que nous ne sommes pas au Texas ou dans un autre Etat libéralisant la vente des armes.
Oui, un tel contexte réhabilite la sociologie et invite à la réflexion: sommes-nous en train de traverser une étape spécifique de l'évolution de  notre société?  Sommes-nous en train de payer la facture de la fracture sociale? La violence est-elle inhérente à des époques données à des contextes particuliers? Y a-t-il des précédents dans le temps et dans l'espace qui peuvent éclairer notre lanterne. Dans le temps, c'est-à-dire notre histoire est-elle traversée de ces phases violentes marquantes? Les historiens le confirmeront: notre histoire est en effet une histoire de peur et de sang; les séquelles sont lisibles aujourd'hui dans des signes variés…Les chants populaires sont le creuset de ces récits…Mais il faut interroger l'espace c'est-à-dire la carte du monde pour lire notre devenir dans le miroir de l'évolution des autres sociétés à partir du critère de la présence de la violence…et là on apprend des choses intéressantes. On apprend  aussi à relativiser les choses. L'histoire est toujours une formidable leçon d'humilité…Aussi bien notre propre histoire que celle des autres. Ce qui arrive aujourd'hui peut paraître alors d'une grande banalité si ce n'est sa dimension  tragique pour ceux qui en sont victimes. La violence est une constante de l'évolution des sociétés humaines ; une composante de l'évolution des individus. Son analyse relève de la sociologie, de la psychologie, de l'anthropolgie…on se rend compte alors de la relativité  du sentiment d'insécurité générale, des descriptions apocalyptiques qui sont faites à partir du catalogue des faits rapportés par les médias.
Il s'agit alors de tenter de comprendre le phénomène de la violence. On pourrait citer ici à titre d'exemple quelques observations d'ordre général en nous référant à certains travaux notamment le livre qui me semble essentiel “Essais sur la violence” de Michel Maffesoli. La première observation concerne la constance du phénomène et sa généralisation à tous les espaces: "Il est en effet nécessaire de constater dès l'abord que les carnages, les massacres, les génocides, le bruit et la fureur, en bref la violence sous ses diverses modulations est le lot commun de quelqu'ensemble civilisationnel que ce soit". C'est très important à rappeler quand on sait la mise en scène des médias dominants quant à la distribution géographique de la violence. Ce rappel établit une sorte de justice et de sérénité dans l'approche des phénomènes de société. Une invitation à adopter "la neutralité axiologique" chère   à Max Weber. L'évocation de ce grand nom de la sociologie permet de prolonger la réflexion vers d'autres constantes comme le fait que l'affrontement, la lutte pour la vie sont des composantes du donné social. Pour Max Weber, il s'agissait de comprendre la violence, non comme un fait anachronique, une survivance des périodes barbares ou pré-civilisées, mais bien comme la manifestation majeure de l'antagonisme existant entre volonté et nécessité.
Structure constante du phénomène humain, la violence met en avant un autre paradoxe, celui de son fonctionnement utile dans la vie sociétale; "Elle peut être la facture contemporaine de ce que l'on peut appeler le désordre fécond" (voir Michel Maffesoli).
On peut alors tirer une première conclusion: cette violence qui inonde le champ social y compris dans sa forme médiatisée, il ne s'agit pas de la nier, de la condamner, il s'agit plutôt de savoir de quelle manière l'on peut négocier avec elle.  Il n'y a pas en effet de société sans un certain degré d'antagonisme, de violence, cette part d'ombre qui toujours taraude le corps individuel ou le corps social. Spinoza remarquait qu'”un pays où la paix est un effet de l'inertie des sujets mérite le nom de solitude plutôt que celui de cité”.
Faut-il conclure aussi par une autre forme de violence, la violence symbolique qui caractérise les rapports sociaux notamment les rapports sociaux médiatiques. Il y a en effet une forme de violence distillée par les médias et subie par les récepteurs…souvent avec leur consentement, d'où son caractère encore plus violent.

Mohamed Bakrim

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