Militant au long cours qui a entamé sa vie politique par une lutte acharnée contre le Protectorat où l’enthousiasme le disputait au courage, Mehdi n’a eu comme seules sources nourricières que le peuple et une conscience de classe chevillée au corps. A telle enseigne qu’il a amplement mérité l’appellation qu’on lui avait attribuée au lendemain de l’Indépendance, «le dynamo». Président du Conseil consultatif, président de la commission sur l’éducation, responsable des questions d’organisation du Parti de l’Istiqlal avant la création du parti des forces populaires en 1959, Ben Barka qui a été, sa vie durant, un homme d’action et de réflexion avait un style propre qui le distinguait de ses pairs de l’époque. A preuve : ses analyses demeurent d’une pertinence déconcertante jusqu’à nos jours.
Aussi son assassinat continue-t-il de nous interpeller avec d’autant plus de force que les questions essentielles qu’il avait soulevées demeurent encore sans réponse. Comment est-il mort ? Qui sont ses assassins ? Où a-t-il été enterré ? Les responsabilités concernant son assassinat ont-elles été établies? Toutes ces interrogations lancinantes continuent - et continueront- à tarauder notre mémoire collective et nos consciences.
Il est, en effet, indéniable que, même si des truands notoires ont pris part à l’enlèvement de Mehdi le 29 octobre 1965 devant la Brasserie Lipp à Paris, des complicités au niveau des Etats concernés par sa disparition sont tellement patentes qu’un demi-siècle après cette forfaiture, l’obstacle principal à l’établissement de toute la vérité reste la raison d’Etat. Une justification érigée en principe intangible face aux exigences de justice et de vérité sans lesquelles le deuil de Ben Barka ne pourrait être fait. Ni par sa petite famille, ni par sa famille politique.
La conférence-débat qui sera organisée le 24 octobre 2015 à Paris sous le thème : « La raison d’Etat dans les crimes politiques » permettra donc de rappeler une exigence fondamentale sans laquelle tout discours sur le respect des droits de l’Homme ressemblera à un simple chapelet de vœux pieux. Il faut mettre fin au règne de l’impunité qui drape de sa chape de plomb cette triste page de notre histoire et l’empêche d’être lue par tous et de la même manière. Plus que d’une affaire de crédibilité du discours politique actuellement en vogue tant en France qu’au Maroc, c’est de confiance qu’il faut avoir ou ne pas avoir en les institutions qu’il s’agit.