
Car ce que le PJD a présenté comme une décision stratégique n’était, dans les faits, qu’un constat déjà établi. Une semaine plus tôt, l’USFP avait clairement fait savoir qu’il ne prévoyait ni de participer ni de commenter ce congrès. Le rideau était tombé avant même que le spectacle ne commence. Le reste n’a été qu’un effet d’annonce pour combler un silence gênant.
Interrogé à ce sujet, il y a quelques jours, dans l’émission «Sans langue de bois», le Premier secrétaire, Driss Lachguar, a simplement répondu qu’il n’était «pas informé» de la tenue du congrès en question, et qu’il ne se mêlait pas «des affaires internes» des autres partis. Une mise au point sobre et qui en disait long. Pas d’emportement. Pas de polémique. Juste une prise de distance nette.
Puis est venue la phrase essentielle : «Il faut établir des règles claires en matière d’invitations. Dans les pays démocratiques, lorsqu’un congrès est organisé par la gauche, ce sont les partis de gauche qui y assistent. Il en va de même pour les congrès du centre ou de la droite».
Derrière ce propos en apparence évident se cache une volonté plus profonde : clarifier les rôles dans un paysage politique devenu illisible. Pendant longtemps, les invitations croisées entre partis idéologiquement opposés ont été tolérées comme des gestes de courtoisie politique. Aujourd’hui, elles contribuent à entretenir la confusion. Qui est avec qui ? Qui représente quoi ? A force de flouter les lignes, on finit par ne plus avoir de repères.
Driss Lachguar ne s’y trompe pas : «Tout est devenu confus, les Marocains ne distinguent plus le noir du blanc», dit-il.
Ce n’est pas une critique gratuite. C’est un diagnostic. Et il faut l’entendre comme tel. Le citoyen marocain a besoin de lisibilité politique. Il a besoin de savoir ce que chaque parti défend, d’où il parle, et pourquoi il se positionne comme il le fait. A gauche, on s’assume comme tel : on ne défile pas dans les congrès d’un parti dont l’histoire politique s’est construite en opposition frontale à nos combats, à nos valeurs, à notre vision de la société.
Que le PJD, aujourd’hui relégué loin des cercles du pouvoir et miné par des guerres intestines, tente maladroitement de créer une controverse à partir d’un non-événement en dit davantage sur son propre isolement que sur la position de l’USFP. Et si la direction du parti islamiste s’est crue habile en «excluant» un invité qui ne comptait pas venir, elle s’est surtout exposée à ce constat un peu cruel : on n’humilie pas ceux qui vous ignorent, on se ridiculise un peu en essayant.
Et puis, il faut dire qu’il est audacieux d’annoncer des «exclusions» d’un évènement qui peine encore à se matérialiser. Non pas par manque d’idées — encore faudrait-il qu’il y en ait — mais tout simplement faute de moyens. On voudrait bien réunir les troupes, mais les caisses sont vides, les soutiens discrets, et l’enthousiasme en berne.
A défaut de ressources suffisantes, la direction du PJD a fini par lancer un appel à la générosité de ses militants pour boucler le budget. Une campagne de cotisation digne d’une kermesse de quartier, moins pour renforcer la cohésion que pour financer les chaises, les banderoles, et peut-être quelques discours.
Et que fait le PJD pour détourner l’attention de cette gêne logistique et politique ? Il fait du bruit ailleurs. Il crée une diversion, agite un faux débat, espérant masquer l’essentiel sous une couche de polémique fabriquée. Une stratégie presque touchante, si elle n’illustrait pas aussi clairement le désarroi d’un parti qui n’a plus les moyens de ses ambitions.
Mehdi Ouassat