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Montrant du doigt les photos de deux dirigeants khmers rouges tout juste condamnés à la prison à vie, Ung Ratha, professeur d'histoire, interroge ses élèves: 35 ans après les atrocités du régime, justice a-t-elle été rendue?
La peine est trop clémente, répond l'un des jeunes Cambodgiens. Ses camarades eux tentent de comprendre comment quelque deux millions de personnes sont mortes dans leur pays entre 1975 et 1979, une histoire longtemps passée sous silence dans les manuels scolaires.
"Certains élèves ne croient pas que cela soit arrivé, parce que leurs parents sont nés après le régime. Alors ils pensent que les professeurs inventent", déplore Ratha, 43 ans, qui peut intégrer ses propres souvenirs à ses cours.
Les jeunes tressaillent lorsqu'il montre les images des crânes de victimes sur les sites d'exécution. Pour ramener ce passé dans la réalité, le professeur revient ensuite sur le verdict historique rendu jeudi par le tribunal de Phnom Penh parrainé par l'ONU.
Les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants, le "frère numéro deux" Nuon Chea, 88 ans, et le chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique" Khieu Samphan, 83 ans, ont été condamnés à la perpétuité pour crimes contre l'humanité.
Alors que la procédure a été découpée pour obtenir au moins un jugement avant la mort d'accusés octogénaires, ce procès s'est concentré sur l'évacuation forcée des villes en application d'une utopie marxiste délirante visant à créer une société agraire, sans monnaie ni citadins.
Un deuxième procès incluant des accusations plus larges, notamment celles de génocide --qui ne concernent que les Vietnamiens et la minorité des Chams musulmans-- a commencé fin juillet.
Mais déjà, la justice a un impact sur certains jeunes.
"Le verdict m'a appris plus de choses sur les leaders khmers rouges, la torture, et d'autres actes qu'ils ont commis", explique Khun Monalisa, 18 ans, en dernière année à l'Ecole internationale Beltei de Phnom Penh, et qui a suivi le procès plus attentivement que beaucoup de Cambodgiens de sa génération.
Plus de la moitié de la population du Cambodge est née après la chute du régime, et jusqu'à il y a peu, les écoles évitaient cette période.
Selon le Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam), le gouvernement a même été jusqu'à supprimer toute référence au régime entre 1993 et 2002, dans un objectif de réconciliation nationale.
Finalement, après des années de pression, un manuel scolaire spécifique est introduit dans les écoles en 2009, ouvrant la voie à un enseignement obligatoire, il y a trois ans.
Entre 1975 et 1979, environ un quart de la population est morte d'épuisement, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions. Les professeurs étaient des cibles de choix des purges du régime qui voyaient intellectuels et fonctionnaires comme une menace à son utopie agraire.
Comment parler de ces atrocités au sein d'une nation traumatisée, comment les enseigner dans les écoles? Ces questions restent un défi.
"Certains enseignants étaient des Khmers rouges eux-mêmes, alors ils insistent sur une version différente. Certains étaient des victimes, et ils insistent sur l'histoire des survivants", note Youk Chhang, directeur du DC-Cam.
"Je me souviens de deux enseignantes qui ont dû démissionner parce que c'était trop dur émotionnellement pour elles d'enseigner ça".
Le verdict de jeudi prévoit d'ajouter dans les manuels scolaires un chapitre spécifique sur l'évacuation des villes, l'une des plus grandes migrations forcées de l'Histoire moderne.