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Cependant, cela n’exclut pas l’exception : des professeurs qui arrachent une part de leur temps pour l’accorder à leurs élèves, cherchant ainsi à faire émerger en eux le côté artistique resté jusque-là enfoui sous les décombres des programmes scolaires. Un exemple très expressif a eu lieu le 24 mars au lycée Salah Eddine Al Ayyoubi, à Massira II, un quartier populaire à Marrakech. Des élèves, qui n’ont bénéficié que du regard admiratif de certains de leurs professeurs, ont charmé tout un public composé de responsables du ministère de l’Education nationale, d’acteurs de la société civile, d’intellectuels et surtout de leurs camarades de classe. Des pièces de théâtre, des chants, des lectures poétiques ont meublé l’intervalle des deux heures et demie réservé à l’inauguration de la salle polyvalente. Mais est-il vraiment nécessaire d’accorder toute cette importance à une salle ? Autrement dit : qu’est-ce qu’elle a de si particulier cette grande classe équipée ?
Après l’intervention du directeur du lycée et du délégué du ministère, madame Benslimane, professeur de français, première responsable de la construction de la salle polyvalente, intervient, avec une voix pleine d’émotion et d’exaltation, pour expliquer les raisons qui l’ont poussée pour la première fois, à chercher des fonds pour créer une grande salle au sein du lycée. Elle accompagne ses propos par une projection sur l’état de l’établissement il y a quelques années. Ce n’était que des blocs de salles de classe sans plus. Aucun autre espace où les élèves pourraient s’épanouir en s’ouvrant sur eux-mêmes, où ils pourraient chercher dans leur tréfonds ce surplus d’énergie qui, faute d’être bien endigué, finit par les consumer. La bibliothèque n’était qu’un réduit de 45m² que les plus studieux des élèves fuient pour ne pas se sentir étouffés. La projection les a montrés en train de réviser, à l’approche des examens, les uns dans un coin de la cour, les autres dans les toilettes. Des scènes qui font vraiment mal au cœur. L’enseignante a ajouté, photos à l’appui, que lors de la cérémonie de fin d’année 2009, ses élèves, qui insistaient pour montrer à tout le lycée leurs réalisations artistiques, se trouvaient obligés d’utiliser une salle de classe où professeurs et élèves s’entassaient comme des déportés d’un pays en guerre. Pour mettre leurs accoutrements de scène, filles et garçons s’isolaient dans une autre classe et traversaient tout un couloir sous les acclamations de leurs camarades, ce qui gâchait toute surprise. Pour féliciter les élèves de leur exploit même dans des conditions lamentables, l’ancien directeur du lycée s’effondre en larmes devant tout le monde, semant ainsi un silence de mort. L’année suivante, l’enseignante, pour familiariser ses élèves avec le récit autobiographique, leur a proposé d’en écrire un à partir du sujet suivant : « Vous avez quarante ans, racontez la tranche de votre vie qui vous a le plus marqué». Grande fut sa surprise de sentir le désespoir qui se dégage des productions! Dans l’une, elle a trouvé ceci: «Je n’aurais peut-être pas quarante ans, car mon corps servirait bien avant à nourrir les poissons du Détroit de Gibraltar au moment où je chercherais à immigrer clandestinement vers l’autre rive où il y a la vie». A ce moment-là, l’éducatrice a compris ce message : enseigner c’est aussi apprendre à vivre. Et cela se fait en grande partie à l’école, dans une salle autre que la classe, une salle réservée principalement aux activités parascolaires. Elle commence à parler de son projet au corps enseignant de l’établissement. Certains ont apprécié l’idée, d’autres l’ont taxée de rêveuse. A ces derniers, elle a dit lors de son allocution, que le rêve est le propre de l’homme, qu’il n’y a pas de vie sans rêve ; elle leur a demandé de ne pas la réveiller de son rêve, car elle le trouve très doux.
Dans ce pays, on a plus besoin de gens qui rêvent que de ceux qui sombrent dans la léthargie, ceux qui s’oublient complètement dans leur profond sommeil, ceux qui ne se souviennent de rien après avoir quitté les bras de Morphée.