Quand best-sellers et documentaires relancent des enquêtes enlisées

Un livre de Michelle McNamara permet d’arrêter l'auteur de 12 meurtres, 50 viols et 120 cambriolages

Lundi 30 Avril 2018

C'est grâce à l'ADN que les enquêteurs viennent de retrouver la trace du tueur en série présumé du "Golden State", mais ses crimes, parfois vieux de quarante ans, avaient bénéficié d'un regain d'attention grâce à un best-seller. "Et je disparaîtrai dans la nuit" est un livre de Michelle McNamara, morte brusquement dans son sommeil en 2016 avant d'avoir fini de l'écrire. Publié à titre posthume en février, il a fait un carton en librairie et va être adapté en docu-série pour HBO. Dès l'annonce de l'interpellation de Joseph James De Angelo, accusé d'être l'auteur de 12 meurtres, environ 50 viols et 120 cambriolages, de nombreuses personnalités ont rendu hommage au travail de Michelle McNamara, comme le roi du thriller Stephen King et l'acteur Rob Lowe.
"Je crois que tu l'as eu, Michelle", a tweeté son mari, le comédien et humoriste Patton Oswald. C'est la dernière en date des enquêtes policières non résolues ou enlisées à connaître un nouveau souffle grâce à des écrivains ou cinéastes, comme celle sur le millionnaire Robert Durst, soupçonné de meurtres. Le shérif du comté de Sacramento, Scott Jones, a nié que le livre de Michelle McNamara ait mis les enquêteurs sur la trace du psychopathe qui a échappé aux autorités pendant plus de 40 ans, mais a admis qu'il avait ravivé l'intérêt du grand public et généré un flot d'informations nouvelles. McNamara, aux faux airs de Jodie Foster en agent du FBI dans "Le silence des agneaux", était convaincue que pour résoudre une enquête, "le marketing compte". C'est pour cela qu'elle avait trouvé le surnom facile à retenir de "tueur du Golden State" pour De Angelo.
Les autorités l'ont autorisée à reproduire pour un article en 2013 un plan de quartier retrouvé sur l'une des scènes de crime, probablement dessiné par le tueur. Elles espéraient ainsi motiver des appels, des indices.
L'enquêteur désormais à la retraite Paul Holes, qu'elle avait contacté pour son livre, la considérait comme "une partenaire", a-t-il déclaré dans l'émission "48 heures" consacrée au meurtrier et diffusée sur CBS l'an dernier.
"C'était bon de pouvoir parler à quelqu'un qui connaissait si bien le dossier et pouvait secouer les choses", a renchéri Erika Hutchcraft, de l'unité des crimes sexuels du comté d'Orange. McNamara suspectait le tueur d'avoir eu une formation militaire ou policière, vu son habileté au maniement des armes, son soin à porter des gants et à ne pas laisser de traces, à s'échapper à toute vitesse dans la nuit. 
L'écrivaine a écrit qu'elle connaissait presque tout de lui: "Je connais son groupe sanguin et je sais qu'il avait la carrure d'un coureur ou d'un nageur". Elle raconte à la fin de son livre qu'il harcelait ses victimes au téléphone, parfois avant son crime avec un "je vais te tuer", parfois des années après: "Tu te souviens quand on jouait ?".
Avant son brusque décès, même si elle avait la conviction que les policiers, aidés par les progrès des technologies d'ADN, allaient débusquer le tueur, cette insomniaque était épuisée, à bout de nerfs.
Elle a commencé à prendre des anxiolytiques et antalgiques puissants qui ont contribué à sa mort.
"Je me répète +Il ne peut pas me faire de mal+ sans réaliser qu'à chaque heure sans sommeil (...) il m'en a déjà fait", a-t-elle écrit.
Ces dernières années, "The Jinx", diffusé en 2015 sur HBO, a coïncidé avec l'arrestation de Robert Durst, richissime héritier suspecté de plusieurs meurtres. Dans ce docu-série d'Andrew Jarecki, Durst semblait avouer en aparté, sans se savoir enregistré, des crimes vieux de trente ans non élucidés: "Je les ai tous tués". Là aussi, la police assure que son arrestation était sans lien avec le documentaire.
Toujours en 2015, "The Making of a Murderer", sur Netflix, a ramené dans l'oeil du public le cas de Brendan Dassey, jugé coupable du meurtre d'une femme. Le docu-série montrait des failles dans l'enquête, laissant entendre que Dassey avait subi des pressions pour avouer le meurtre et lançant un débat national sur les procédures judiciaires aux Etats-Unis. 
Dans le genre florissant des programmes sur les "vrais crimes", le feuilleton radiophonique Serial a entraîné la levée de la condamnation d'Adnan Syed, condamné à perpétuité pour le meurtre de son ex-petite amie en 1999. Serial, l'un des podcasts les plus téléchargés de l'histoire, et son auteure Sarah Koenig mettaient en avant des biais dans le travail de l'avocate de Syed. Ce dernier devrait bénéficier d'un nouveau procès.

Libé

Lu 1036 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Actualité | Dossiers du weekend | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | USFP | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Chronique | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP | Economie_Zoom | Economie_Automobile | TVLibe



Inscription à la newsletter




LES + LUS DE LA SEMAINE