
Environ 300 sympathisants de l'opposition russe ont manifesté dimanche au centre de Moscou pour protester contre l'annonce du retour au Kremlin après la présidentielle de 2012 du Premier ministre Vladimir Poutine et sa décision d'échanger son poste avec le président Dmitri Medvedev.
Répondant à l'appel de plusieurs mouvements d'opposition comme le Front civil uni fondé par l'ex-champion d'échecs Garry Kasparov, les manifestants étaient rassemblés place Pouchkine et exhibaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Poutine doit partir» ou «Vos élections sont une farce», a constaté un journaliste de l'AFP.
«Je suis venue protester contre Poutine et Medvedev car ils se sont attribués eux-mêmes les postes, alors que c'est au peuple de choisir ses dirigeants», a déclaré Antonina, une retraitée de 73 ans portant un béret rouge orné d'un pin's du Parti communiste.
Artiom Adiev, un étudiant de 22 ans, est venu participer à cette manifestation pour «faire comprendre au pouvoir qu'il y avait des opposants et que tout le monde n'était pas d'accord» avec les décisions du tandem Poutine-Medvedev.
«L'annonce de l'échange des rôles entre Poutine et Medvedev est tout simplement une provocation! Le pouvoir a été confisqué et le peuple ne peut pas choisir ses dirigeants», a martelé l'étudiant. Vladimir Poutine a annoncé samedi son intention de redevenir président après le scrutin de mars 2012. Il a également précisé qu'il laisserait alors la tête du gouvernement à M. Medvedev, l'homme qu'il avait désigné en 2008 pour lui succéder au Kremlin, faute de pouvoir se représenter pour un troisième mandat consécutif.
L'homme fort de la Russie pourra théoriquement, suite à une réforme constitutionnelle prolongeant le mandat présidentiel de quatre à six ans, rester à la présidence jusqu'en 2024.
Si cette décision ne transforme pas le paysage politique, M. Poutine étant toujours resté le personnage central du régime, certains hauts responsables ont tout de même exprimé leur désaccord avec ce scénario, en particulier le ministre des Finances, Alexeï Koudrine, apôtre du contrôle des dépenses et figure respectée des investisseurs étrangers. «Je ne me vois pas dans un nouveau gouvernement. Personne ne m'a d'ailleurs proposé quoique ce soit. Je pense que les différends que j'ai, ne me permettront pas d'en faire partie», a dit le ministre, cité par les agences russes depuis Washington où il participe à une réunion du G20.
M. Koudrine, qui dirige le ministère des Finances depuis 2000 et l'élection au Kremlin de M. Poutine, a expliqué «refuser inconditionnellement» de servir dans un gouvernement dirigé par M. Medvedev car il s'oppose à une hausse des dépenses budgétaires.
«Cela va créer des risques supplémentaires pour le budget et l'économie. Cela veut dire qu'on ne pourra pas réduire nos déficits», a-t-il dit, relevant que dans un tel contexte, la Russie sera encore plus dépendante de ses exportations d'hydrocarbures, dont les revenus nourrissent l'économie.
A l'inverse, le conseiller économique de M. Medvedev, Arkadi Dvorkovitch a lui exprimé sa déception samedi face au retour annoncé de Vladimir Poutine.
«Il n'y a aucune raison de se réjouir», a-t-il écrit sur son compte Twitter. Face à une telle nouvelle c'est «le bon moment de zapper pour regarder une chaîne sportive», a encore jugé M. Dvorkovitch.
Le porte-parole de M. Poutine, Dmitri Peskov a lui souligné tard samedi que «si une personne est en désaccord avec les choix stratégiques du tandem, elle devra quitter l'équipe». Dmitri Medvedev, un juriste de 46 ans, a cultivé durant son mandat l'image d'un homme moderne, féru de nouvelles technologies, une position censée trancher avec celle de Vladimir Poutine, un ancien officier du KGB de 58 ans.
Mais le président russe n'est en réalité jamais sorti de l'ombre de son mentor, à qui il doit toute sa carrière.