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Bruno Nassim Aboudrar, professeur d'esthétique et de théorie de l’art à l’Université Paris III Sorbonne nouvelle, a présenté, jeudi soir, son dernier ouvrage intitulé "Les dessins de la colère" au siège de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger à Rabat.
Dans son essai, l’écrivain franco-marocain s’est intéressé au problème des représentations imagées qui se trouvent au cœur des conflits religieux contemporains, ouvrant les portes d’un débat "dépassionné" à propos des caricatures, dans le cadre de l’histoire de l’art.
Qu'elles se rapportent à la figure du Prophète Mohammed ou à des vidéos montrant la destruction de sites historiques à l’instar de Palmyre ou Bamiyan, ces représentations suscitent énormément de réactions violentes ou alors réunissent des communautés soudées par la peine et la colère.
A partir de ce constat, l’auteur évoque le régime de visibilité des images en déplaçant le débat de la sphère politique et religieuse pour apporter sa propre vision, basée sur une recherche rigoureuse et méthodique, sans pour autant minimiser les apports de la géopolitique, de la sociologie ou de la théologie.
Dans sa présentation de l’ouvrage, M. Aboudrar est revenu sur la place de l’iconoclasme (Ndlr: destruction délibérée d'images et de représentations religieuses, généralement pour des motifs religieux ou politiques) dans l’Islam, indiquant que ce dernier est plus "une affaire chrétienne", compte tenu de l’absence d’images du Prophète Mohammed dans la religion musulmane, contrairement au christianisme où trois portraits types de Jésus ont été inventés "de toutes pièces".
Même si des descriptions assez proches du Prophète Mohammed existent, le fait qu’il n’y ait pas d’image type rend sa caricature impossible, a relevé l’auteur, reflétant ainsi le caractère "intrinsèquement raté et humiliant" des caricatures blasphématoires. Concernant le parallélisme qui subsiste entre les caricatures et la destruction de certains sites historiques, l’écrivain a tenu à s’arrêter sur la différence entre "vandalisme" et "iconoclasme".
Selon lui, le vandalisme, contrairement à l’iconoclasme, "n’est pas lié à la religion" et relève d’une volonté d'asseoir la "force brute ou révolutionnaire" du vainqueur sur la culture du vaincu, perçue comme étant "faible", en lui volant ses biens.
"A partir de la fin du XXème siècle, nous avons commencé à assister à un vandalisme qui se fait passer pour de l’iconoclasme", a souligné l’écrivain franco-marocain, expliquant que les arguments religieux avancés ne sont qu’un "prétexte" pour faire du vandalisme.
L’auteur a donné des exemples tangibles en évoquant la destruction de Palmyre (Syrie) en 2015 par "l'Etat islamique" ainsi que le pillage et la vente de nombreuses œuvres au profit de collectionneurs étrangers, qui ont eu de lourdes conséquences pour la communauté musulmane.
Bruno Nassim Aboudrar est l’auteur de plusieurs essais, notamment "Nous n’irons plus au musée" (Aubier, 2000), "Comment le voile est devenu musulman" (Flammarion, 2014), "Qui veut la peau de Vénus ?" (Flammarion, 2016) et "Les dessins de la colère" (Flammarion, 2021).
En 2009, son premier roman "Ici-bas" (Gallimard, 2009) a remporté le Prix Senghor du premier roman francophone et francophile.