Portraits d’artistes : Le regard de Leila Alaoui


Mohammed Bakrim
Lundi 21 Décembre 2009

La photographie est un art majeur. On le sait, depuis Baudelaire, par exemple. Notre paysage culturel,  en donne hélas, ces dernières années, en particulier,  une autre perception : voir par exemple l’usage médiatique dans ce que l’on appelle la photo de presse…Et pourtant, il y a, en la matière,  une tradition, de grands noms et des talents d’artiste photographe qui émergent.
Leila Alaoui est un nom à retenir sur cette voie. Elle redonne ses lettres de noblesse à la photographie. Elle est rentrée au pays capturer des signes qui lui tiennent à cœur après une formation mixte aux USA (cinéma et sociologie). Le cinéma et la photo sont des cousins germains… Leila est allée étudier le cinéma, elle est revenue photographe. L’image fixe, instantanée, en attendant certainement l’image mobile.
 Aujourd’hui, elle expose à Marrakech. Ce sont des portraits d’artistes, au sens large, présentés en marge de la sortie de son livre « 40 » où justement elle nous offre ce regard sur des noms du champ artistique, plasticiens, cinéastes… des photos escortées d’un texte de Leila Belabbès. Dans l’exposition que j ai visitée entre deux films à Marrakech…le texte scriptural est réduit au minimum, laissant le texte visuel, iconique nous parler… D’emblée, par, instinct, on cherche des visages qui nous sont proches, professionnellement ou tout simplement humainement. Par exemple, je vois d’emblée le portrait de Faouzi Bensaidi.
Ce premier repérage est rassurant dans une exposition. Habitué à la posture quasi paresseuse du spectacle cinématographique (le film vient à moi), j’ai toujours eu une sorte d’appréhension dans les galeries d’art…où on est livré à une forme d’errance : errance dans l’espace puisqu’il faut aller d’un tableau à l’autre, dans une sorte de rituel qui ne manque pas de sacralité ; on est dans un temple hanté par des âmes, ou plutôt dans une caverne pour mieux rappeler les images de Platon : la photo n’est-elle pas là comme un reflet de quelque chose d’autre ? Errance donc neutralisée de temps en temps par des visages connus, célèbres…le temps de se familiariser avec les lieux pour enfin interroger les portraits comme œuvre artistique. Les portraits ici ne s’inscrivent pas dans une fonction référentielle : ce n’est pas un manuel, un catalogue de photos d’identité, encore moins une encyclopédie. On s’arrête ici ou là par curiosité mais aussi par intérêt esthétique.
Il y a le visage que nous connaissons, que nous aimons dans la vie et puis soudain on sent quelque chose de plus…c’est le regard de Leila Alaoui qui nous restitue une part du réel auréolé de quelque chose d’autre, appelons cela, le poétique du portrait. «Le poétique, c’est, d’une manière ou d’une autre, le supplément du sens». Au-delà de la trace indicielle, soulignée par la légende en marge du tableau, les portraits de Leila Alaoui confinent au discours. Ils disent l’art par le regard. C’est le signe métamorphosé en symbole. Ce sont des êtres que nous côtoyons dans le quotidien qui sont ici non pas immortalisés, c’est le leurre photographique, mais accompagnés pour un instant dans une forme de complicité. On devine alors que l’acte de photographier chez Leila est une expression d’empathie, « d’aimance ». 


Lu 3071 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.










services