Par-delà le bien et le mal


Atmane Bissani
Lundi 8 Avril 2013

Par-delà le bien et le mal
Revisiter le corpus philosophique nietzschéen n’est pas ici mon propos, bien que ce corpus soit d’une actualité frappante de nos jours. Mon propos est tout autre : penser les débats de société en dehors de la logique du  manichéisme qui fait des principes du bien et du mal son socle idéologique. Si la définition du bien et du mal est intrinsèquement liée aux pratiques  bonnes et/ou mauvaises que seule la raison peut acquiescer ou récuser,  le bien passera certainement pour bien et le mal passera incontestablement pour mal. Or, lorsque le bien et le mal revêtent les couleurs de la vérité absolue, alors là le bien et le mal deviennent masque et devise idéologiques purs. Le discours du bien et du mal est au fond un discours tenu par les prosélytes qui se croient des messies salvateurs de l’humanité, des messagers de Dieu dans un monde chaotique. Le discours du bien et du mal conduit à l’erreur flagrante qui, sans fondement logique, scinde la société en bonnes et mauvaises gens. Le problème d’un tel discours c’est qu’il se situe à un niveau non seulement erroné, mai aussi comique de la pensée : sa vérité est absolue. Cette vérité absolue ne permet pas aux différences de cohabiter, elle ne permet pas non plus à la raison de fonctionner et donc à la société de s’épanouir. L’erreur, toute l’erreur, provient bien évidemment de la certitude absolue, laquelle certitude ne distingue pas le domaine temporel du domaine  spirituel. Le temporel est fondé essentiellement sur le sens de l’incertitude. Contrairement à la logique du certain qui prive l’être de penser, de réfléchir, de voir autrement le monde et ses choses, la logique de l’incertain cultive le sens de doute, de controverses, de dénonciation des vérités closes. Les vérités closes sont en dernière analyse le résultat d’une pensée incompatible avec le sens de l’Histoire, une pensée anhistorique qui chemine aveuglément. C’est en fait entre la pureté du spirituel et l’impureté du temporel qu’il faudrait discourir. Ce que les adeptes des vérités closes, achevées et parachevées n’arrivent pas à saisir, et c’est là justement que le bât blesse, est que le spirituel, domaine de la foi, relève du sacré pur et net et, puisque il en est ainsi, le spirituel ne peut en rien intervenir dans le domaine du temporel, domaine versatile, profane toujours à venir. Comme elles se fondent sur des intérêts communs, et comme ses intérêts ne sont points stables, eu égard aux centres d’intérêts, la politique, l’économie, les affaires sociales et les relations internationales ne sont pas sacrées, seule la religion l’est. Les discours politiques et économiques, discours profanes en principe, ne peuvent aucunement s’inscrire dans le cadre d’une certitude éternelle du fait qu’ils demeurent liés aux conjonctures. La religion est loin, fort loin, de régler les problèmes sociaux, économiques, politiques, et j’en passe, d’un pays.
 Le caractère transcendantal de la religion cautionne sa pureté, chose que les prosélytes n’assimilent toujours pas. L’analyse du concret, comme disent les phénoménologues, oriente le débat autour des questions du bien et du mal, du spirituel et du temporel dans la perspective de l’analyse concrète de l’esprit qui produit un tel discours.  Les islamistes dans nos pays sont tellement dépassés que leur discours ne réussit point à se démarquer de leur postulat de base : le spirituel résout les problèmes du temporel. C’est cette vision insensée, infondée et dérisoire qui fait intervenir le spirituel (sacré, pur) dans le domaine du temporel (profane, impure) qui bloque le travail de la raison tout en favorisant la soumission aux stratèges de la pensée (est-elle une pensée ?) unique. Ils sont là, parmi nous, leur discours ne tarit point, leurs idées pullulent pour la simple raison que la société n’a pas encore atteint l’âge de l’Histoire. Leur point fort demeure le leurre et la mystification qu’ils livrent dans le marché de l’ignorance. Or, la logique de l’Histoire et la logique de la raison finissent toujours par vaincre la bêtise et ses apôtres.  Combien de temps nous faudra-t-il pour réussir ce pari décisif et incontournable quant à notre sortie de l’embargo des vérités absolues et des clôtures dogmatiques ? L’Europe a mis énormément de siècles pour y arriver, quant à nous, nous n’avons même pas commencé à y penser, et si jamais on y pense la devise du bien et du mal réapparait pour gagner le terrain davantage. Ce qui est sûr est que le tournant aura lieu un jour il faudrait juste y croire tout en continuant de cultiver les pratiques du rationalisme, des controverses et du droit à la différence.  Par-delà le bien et le mal, par-delà les vérités absolues l’impureté du profane ne doit en rien souiller la pureté du spirituel…


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1.Posté par Abdellatif bouhou le 08/06/2014 00:58 (depuis mobile)
J''ai tout lu Cher professeur, ce que tu as écrit me plait énormément.

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