La spectaculaire opération anticorruption lancée mardi contre des proches du Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan continue à faire des vagues politiques en Turquie et fragilise sa position à la veille d’une année électorale importante.
Mis en cause par l’opposition qui a réclamé sa démission, M. Erdogan a riposté mercredi en dénonçant une «sale opération» contre son gouvernement. Mais sa situation reste délicate face aux critiques, surtout celles venues de ses ex-alliés de la puissante confrérie du prédicateur musulman Fetullah Gülen.
Neuf personnes interpellées mardi à Istanbul et Ankara ont été remises en liberté mercredi soir, ont rapporté les médias turcs.
Mais 41 autres étaient toujours interrogées, à commencer par les fils des ministres de l’Economie, de l’Intérieur et de l’Environnement, le patron de la banque publique Halk Bankasi, Suleyman Aslan, et le maire du district stambouliote de Fatih, Mustafa Demir, membre du parti au pouvoir.
La révélation quotidienne des turpitudes de ces personnalités proches du pouvoir a créé une onde de choc en Turquie, où les réseaux sociaux tournent en dérision la «folie du billet vert» qui s’est emparée d’elles.
Le scandale ne pouvait plus mal tomber pour le Premier ministre, qui a lancé ces derniers jours, la campagne de son Parti de la justice et du développement (AKP), ou «AK parti», pour les municipales de mars lors de meetings géants.
A chacune de ses interventions, M. Erdogan, à qui l’on prête aussi l’intention de se présenter à la présidentielle d’août 2014, s’est vanté d’être le chef d’un parti portant le nom de «AK», qui signifie aussi blanc ou propre en turc.
Depuis mardi, ses adversaires et de nombreux éditorialistes s’en donnent à cœur joie pour rappeler que l’affairisme immobilier du gouvernement figurait au premier rang des critiques des manifestants qui ont exigé sa démission en juin dernier.
Depuis mardi, plus d’une trentaine de responsables policiers d’Istanbul et Ankara ont ainsi été démis de leurs fonctions pour avoir, selon leur hiérarchie et le gouvernement, «abusé de leurs pouvoirs», selon les médias.
Mais pour beaucoup d’observateurs, l’opération anticorruption participe bel et bien de cette guerre fratricide au sein de la majorité. «Le mouvement (Gülen) a fait savoir qu’il était là et décidé à protéger ses intérêts», estime l’analyste Rusen Cakir.
Face à cette menace, M. Erdogan pourrait bien profiter du remaniement ministériel annoncé pour remplacer les ministres candidats aux municipales pour se débarrasser des autres membres de son gouvernement mis en cause, selon des sources proches du pouvoir.