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Omniprésence de l'Intérieur dans la gestion de la crise

Le champ des édiles réduit de fait


Hassan Bentaleb
Vendredi 3 Avril 2020

Omniprésence de l'Intérieur dans la gestion de la crise
Depuis le début de la crise du Covid-19 au Maroc, une question est sur toutes les lèvres : où sont  passés nos édiles et conseils locaux ? En effet, l’espace public est aujourd’hui occupé par les seuls fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et éléments de la DGSN qui assument la mission de communication, de sensibilisation, de supervision de l’aide destinée aux nécessiteux et de contrôle du bon fonctionnement du confinement initié par les pouvoirs publics le 20 mars dernier.
Nos élus ont-ils rendu leur tablier ? Leur rôle et leurs missions ont-ils été phagocytés par le ministère de l’Intérieur ou sont-ils, tout simplement, dépassés par l’ampleur et la nature inattendues de la pandémie ?
Hassan Ammari, acteur associatif d’Oujda, est de ceux qui soutiennent que le rôle des édiles locaux a été fortement marginalisé dans la gestion de cette crise. « Nos élus brillent aujourd’hui par leur absence. A part le service d’hygiène et celui chargé des plantes, les autres services sont en stand-by et les élus sont quasiment absents. Seul le président de la commune semble encore en fonction, mais son activité dépend en grande partie du wali », nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : « Même la gestion de l’aide aux nécessiteux a été attribuée par les autorités locales à certaines ONG qui sont plus actives sur le terrain. Bref, la gestion locale de la crise a été accaparée par les autorités locales qui décident de tout. Quant aux élus, la plupart d’entre eux se sont confinés dans leurs domiciles».   
Cette absence des élus est à constater également à Casablanca où plusieurs édiles nous ont affirmé qu’ils restent cloîtrés chez eux et qu’ils suivent ce dossier de loin via les médias et les réseaux sociaux comme c’est le cas pour l’ensemble de la population casablancaise.
 « Depuis le début de la propagation du Covid-19, je me suis confiné chez moi. Durant toute cette période, je n’ai jamais eu de contacts avec le président de la commune ou avec l’autorité de tutelle à propos d’une quiconque action ou mesure à prendre en tant que représentant de la population locale», nous a confié Lahcen, un élu casablancais. « Les manettes sont aujourd’hui entre les mains du ministère de l’Intérieur qui fait du bon travail jusqu’à présent et je ne crois pas que les choses méritent notre intervention. Nous sommes dans une situation d’urgence sanitaire et ce département dispose des moyens et du savoir-faire pour gérer pareille situation. Il est vrai que les autorités de tutelle ne nous consultent pas et ne nous avisent même pas, mais c’est compréhensible dans ce contexte de crise. Notre rôle, en pareil cas, consiste à soutenir leurs efforts et à sensibiliser nos concitoyens à propos du respect du confinement», nous a déclaré Youssef Hasania, un autre édile casablancais.  Et de poursuivre : « Ceci d’autant plus que la Charte communale est claire et précise concernant notre paramètre d’intervention.
En effet, nous n’avons pas grand-chose à faire puisqu’elle nous interdit d’intervenir dans la gestion de pareilles affaires locales. Notre rôle en tant qu’élus se résume aujourd’hui à assister aux travaux et aux délibérations et pas plus. Cela s’inscrit dans un long processus de dépouillement de nos acquis et de nos prérogatives orchestré par le législateur depuis 1997. Ce qui explique la désaffection actuelle vis-à-vis de la politique ».
Abdelhamid Najh, spécialiste des collectivités locales, a un autre avis sur le rôle et la place des édiles locaux.  Selon lui, le conseil communal peut délibérer sur des mesures sanitaires et d’hygiène importantes (lutte contre les facteurs de propagation des maladies, mise en place et gestion des services et équipements sanitaires publics, services de proximité dans le domaine de la santé…) pouvant aller jusqu’à la mise en quarantaine sanitaire.
Concernant la crise actuelle, notre interlocuteur estime qu’il ne faut pas sous-estimer le rôle des conseils locaux élus. D’après lui, ce rôle est palpable via les efforts de nettoyage, de désinfection et de stérilisation menés dans les administrations, services et espaces publics ou via le travail de sensibilisation initié par la police administrative, entre autres.
Le rôle des institutions locales élues se manifeste également via les transferts budgétaires opérés par certaines collectivités territoriales.  Tel est le cas du conseil de la région de Tanger-Tétouan-El Hoceima qui a mobilisé 20 millions de DH pour soutenir la population locale. Tel est le cas également du conseil provincial du Tiznit qui a octroyé 2 millions de DH au soutien des services hospitaliers et des initiatives de la société civile dans le monde rural. Idem pour le conseil communal d’Oulad Daoud à Taroudant qui a décidé de faire don des indemnités des membres de son bureau, des présidents des commissions et de leurs adjoints au Fonds spécial de lutte contre le coronavirus. « Le rôle et la place des élus et des conseils locaux dans la gestion des affaires locales sont peu médiatisés, souvent sous-estimés et stéréotypés. Une image dégradée qui a été amplifiée par les affaires de corruption et de détournement de fonds, mais il ne faut jeter le bébé avec l’eau du bain. Il y a des édiles qui font du bon travail mais en silence et loin des caméras. Prenez l’exemple de la ville de Rabat qui a été victime d’un afflux massif des chiens errants et c’est grâce au travail de la commune  que la capitale a pu s’en débarrasser, pourtant personne n’en a parlé», a-t-il conclu.


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