Alors que nous sommes en train de nous noyer dans les profondeurs de nos constances, il paraît normal qu’on ne refuse pas la mort, quand on accepte dès le commencement de s’allonger.
La nuit qui gît sur les différentes parties de notre corps allongé, reste une sorte de souffrance discrète qui nous cause des insomnies seulement au début… Et quand la lumière se répand dans un quartier quelconque, notre laideur sociale habituelle se manifeste et on ne peut que reprendre le chemin du retour .
Oh ! Il paraît impossible de paver un nouveau chemin au-dessus de l’ancien, déjà détruit. C’est pour cela que je n’ai plus la force de renouer des relations semblables à des morceaux de verre brisé.
Dans ma bouche, mille rayons s’assemblent …Un rayon pour éclairer le sourire timide et calme d’une femme mariée depuis trois ans…Un rayon pour annoncer la destruction de tout ce qui nous entoure , lui, moi. N’importe. Un rayon pour manifester la vie, mais après que je serai capable de protester, je ne peux le faire …
Il faisait nuit. Pendant le retour chez moi, après avoir abandonné la maison pour quelques semaines, je portais en main mes trois rayons …j’essayai de gober des morceaux solides d’acier …J’épiai les traits de ce mari entassé à côté de moi dans la voiture , alors que nous étions sur le chemin du retour. En fermant les mâchoires, il paraissait être le prototype même de l’idiotie honnête. Les yeux avec leurs longs cils bougeaient avec une rapidité méprisable. De légères graines à peine visibles paraissant sur la peau brune de son visage dénonçaient une légère inquiétude et une colère à fleur de peau.
Il était silencieux le long du chemin…Alors que je m’attendais à ce qu’il dît quelque chose. J’observais les mouvements de ses mains, et me distrayais à poursuivre les signaux lumineux alors qu’ils se succédaient. Devant moi, dans les voitures qui nous croisaient, des individus s’amusaient à regarder d’autres individus. Là-bas, un enfant étreignait sa poupée. Et puis un autre époux ressemblant au mien dans ses mâchoires et son idiotie. Un autre riait ? Combien le rire paraît-il extraordinaire au milieu de ce carnaval d’ennuis que ma peur laissait planer sur les visages!
Quand nous arrivâmes, je préférai le devancer à l’intérieur. J’enlevai calmement ma cape , et me débarrassai de mon sac à main où se trouvait le cadeau qu’il m’avait offert pour me satisfaire et satisfaire mes parents qui, ayant vu les colliers d’or briller entre ses mains, restèrent bouche bée et me grondèrent avec dérision… Que veux-tu de plus ?(…)
Je sortis de ma chambre pour aller au salon m’installer en face de la télévision. Les images se succédaient sans que je les regarde ou que je les comprenne .
Je l’épiais inconsciemment .J’étais l’exemple idéal de l’inertie, alors qu’en mon fort intérieur, mille colliers se défaisaient, mille artères battaient pour qu’il prononçât une seule parole, qu’il s’approchât de moi, qu’il tînt ma main entre les siennes. Il bougea les orteils et je me dis tant mieux ! Voilà qu’il annonce la réconciliation par les pieds. Ça ne fait rien ! Au fond de moi se mêlaient la tendresse, le pardon et la joie .
Oh comme la joie paraissait loin et proche en même temps ! Combien j’aime qu’il s’approche de moi…pour que je vive ma joie …Pour que je coure devant lui avec tout l’enfantillage du monde …du monde entier …je cours .
Je danserai. Je m’extasierai rien qu’en l’entendant dire…j’ai cessé de parler à d’autres femmes. J’ai cessé de faire l’amour à travers les fils.
Je voudrais seulement qu’il dise …En fin me voici…mais tout paraissait inerte en lui, semblable aux colliers d’or qui gisaient dans mon sac à main : le visage figé, les yeux fixant le vide qui nous entourait et la respiration monotone. La soirée télévisée approchait de sa fin et tout en moi sanglotait tel un enfant sur le point de mourir à cause d’une asphyxie, mais qui, cependant, espérait une bouffée d’air. Je frappais à toutes les portes qui se présentaient, je m’enfuyais au fond de moi…à l’intérieur du rêve …Je l’imaginais un époux à côté de moi, mais personne. Le voilà avec tout son orgueil. Il bougeait pour éteindre la télévision et pour que je bouge à mon tour vers mon lit. Il paraissait solide et froid mais j’attendais toujours de l’oxygène. Je contemplais l’immobilier dégoûtant de la salle. Pourquoi les choses perdent-elles leur importance quand on ne vit plus au fond d’elles ? Je ramassai une revue quelconque. Je feuilletai des photos de femmes souriantes et provocantes. Certaines d’entres elles sont avec leurs enfants vêtus d’habits propres et multicolores. Cela est-il acceptable pour une femme qui souffre d’asphyxie ?
Je déposai la revue après avoir remarqué son retard…et partis dans l’espoir de repousser la mort qui gisait au fond de moi. J’arrivai tranquillement là où il était assis tenant le combiné téléphonique. Le voilà, comme il le faisait auparavant, en train de semer de belles histoires en couleur dans le cœur de l’une d’elles sans que celle-ci sache que derrière le prétendu homme de son rêve, se trouvait une femme qui agonisait .