Noureddine Fathy et Younès Khourassani exposent à Marrakech : Pluralité organique

Jeudi 29 Septembre 2011

Noureddine Fathy et Younès Khourassani exposent à Marrakech : Pluralité organique
Dans le cadre de la seconde édition du «Marrakech Art Fair»,
qui se tient
du 30 septembre au 3 octobre ,
la galerie gadirie «Le Sous-sol»  expose les
dernières œuvres de Noureddine Fathy et Younès Khourassani.
Regards croisés
sur l’exposition intitulée «L’alchimie
des exilés ou
l’apparition du printemps rouge».

Roland Barthes, dans « Le Bruissement de la langue », retient quatre motifs pour justifier « le Journal intime » comme œuvre. Deux parmi ces motifs semblent fort appropriés à l’acte pictural tel qu’il est perçu et adopté tant par Noureddine Fathy que par Younès Khourassani. Le premier n’est autre que le motif poétique : « offrir un texte coloré d’une individualité d’écriture, « d’un style » (aurait-on dit autrefois), idiolecte propre à l’auteur », alors que le second est historique : « éparpiller en poussière, au jour le jour, les traces d’une époque, toutes grandeurs mêlées ».
En effet, faire acte de création picturale, chez Khourassani et Fathy, est synonyme, intrinsèquement, de l’apposition d’une empreinte, personnelle et spécifique, sur l’œuvre de réécriture plastique de la quotidienneté du monde telle qu’elle se dénude devant l’artiste, et telle qu’il en rêve. Aussi, les tableaux qu’ils commettent, chacun dans son atelier, se rapprochent par le fait qu’ils pétrissent une dénonciation des maux qui rongent les êtres et les choses : meurtrissures des temps  en cours qui spolient  l’humain de son humanité, spasmes du négoce hégémonique où tout est réduit à sa simple expression marchande et évanescence du sens. Ces tableaux se rapprochent, pareillement, par le fait qu’ils élaborent des sentiers de résistance à la pensée artistique unique, des propositions de rupture avec les identités meurtrières et des invites à une écriture, plurielle mais commune, d’un devenir dompté par les indignés, ici comme ailleurs, du statu quo.
En outre, faire acte de création picturale, chez Fathy et Khourassani, est aussi synonyme, culturellement et cultuellement, de la régulation des traces léguées par les rapports, passés, présents et à inventer, de  l’artiste-passeur d’images avec le quotidien et le transcendant qu’il observe, capte et scrute avant de les réinventer.        
Certes la texture, les  juxtapositions et les fusionnements des matériaux picturaux et des sujets plastiques, alliés aux effets de la distribution de la lumière et de son occupation du support, sont autant d’éléments géniteurs de la singularité des propositions artistiques propres à chacun des artistes. Mais les œuvres de l’un et de l’autre ont toutes, pour point nodal, un caractère pluriel et un statut « organique » :
- Un caractère pluriel car leur « contenu est formé d’éléments multiples non perçus immédiatement » (Le Dictionnaire Culturel en Langue Française). Ne sont-elles pas, en fait, l’émanation d’une « pluralité de signifiés qui coexistent en un seul signifiant » (Umberto Eco) ?
- Un statut « organique » car elles relèvent, selon l’acception de Gilles Deleuze formulée à propos du cinéma, d’«une unité dans le divers». Ne s’inscrivent-elles pas au sein d’une quête plastique d’ « un creuset dans lequel se fondent jusqu’à l’indistinction des matériaux hétérogènes» (Jean-Paul Aubert) ?
Chez Fathy, c’est le corps, émancipé de son statut conspirateur contre l’ « autre », cet « autre » supposé être négationniste du « je » par essence, qui est vecteur du souffle des horizons de l’Histoire qui se négocient entre « le vieux (qui) se meurt et (…) le jeune (qui) hésite à naître » (Antonio Gramsci). Ce corps, immergé au sein de références à la pluralité des civilisations (l’iconographie judéo-chrétienne et la calligraphie arabo-musulmane), semble interpeller le regard à propos de la transition entre deux statuts : l’immobilité et le mouvement.
Chez Khourassani, c’est l’instrument de musique, évidé de sa fonctionnalité lyrique adepte du cloisonnement des genres artistiques et apologique de l’absence de doute sur la nécessité des frontières entre les expressions des uns et des autres ou leurs aspirations, qui est révélateur de l’insoutenable positionnement dans l’entre-deux. Cet objet, détourné de sa vie première et métamorphosé par l’impact concerté de la couleur et de la lumière, semble signifier au récepteur qu’ « il n’y a pas un exil. Ce sont toujours des exils » (Mourid Barghouti).
Négations de l’exil, forcé ou volontaire, sociétal, territorial ou culturel, tels sont les corpus plastiques de Younès Khourassani et de Noureddine Fathy, car l’exil n’est qu’un entre-deux spoliateur d’un printemps à venir. Affirmations du vital aller-retour à travers les frontières effritées entre les ères, les aires et les cosmogonies, telles sont les œuvres des deux artistes, car l’aller-retour est géniteur d’un devenir humain commun. Faut-il encore, chuchote l’imaginaire de Khourassani et de Fathy, que les saisons n’égarent pas leurs couleurs, que les legs du passé et du présent ne souffrent point de stérilité, qu’ils n’accouchent nullement d’une insulte à l’Histoire.

Said Ahid

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