
Premier ministre à deux reprises dans les années 90, à une époque où le Pakistan ne souffrait pas au quotidien d’attentats, Nawaz Sharif avait suggéré dans la campagne électorale la tenue de pourparlers avec les talibans pakistanais du TTP, responsable de la mort de milliers de personnes depuis six ans.
Le TTP a d’ailleurs revendiqué une cascade d’attentats meurtriers pendant la campagne électorale contre les membres laïcs de la coalition sortante au pouvoir à Islamabad.
La Ligue Musulmane (PML-N) de Nawaz Sharif a quant à elle été épargnée par ces attaques, ce qui a facilité l’organisation de ses rassemblements, mais aussi soulevé des questions sur une possible proximité avec des groupes islamistes armés.
Et le président américain Barack Obama a affirmé que Washington allait travailler avec le gouvernement de M. Sharif comme des «partenaires égaux».
Selon Jonah Blank, ancien directeur du Comité des Affaires étrangères du Sénat sur l’Asie du Sud, la rhétorique anti-américaine de Nawaz Sharif pendant la campagne ne mènera pas à une politique de confrontation avec Washington.
«Il n’y a rien pour étayer l’idée qu’il est un chef extrémiste ou que sa rhétorique, anti-américaine ou pro-islamiste, se traduira par une politique d’affrontement» avec Washington, dit-il.
Après tout, Nawaz Sharif avait soutenu les offensives de l’armée contre les insurgés islamistes en 2009 dans la vallée de Swat et le district tribal du Waziristan du Sud, près de la frontière afghane.
«Le point central du manifeste de Nawaz Sharif est que nous ne pouvons pas négocier avec des gens qui n’acceptent pas nos institutions, notre constitution, notre parlement et notre système judiciaire», explique Sartaj Aziz, un haut responsable de son parti. Le Pakistan a plutôt besoin d’une «stratégie mixte» basée sur un savant dosage d’actions armées et négociations avec les insurgés, ajoute-t-il.
«La guerre contre le terrorisme et la campagne des drones s’effacent de toute façon, il ne sera donc pas trop bavard sur ces dossiers...», soutient M. Gul, alors que tous s’entendent pour dire que l’économie sera le chantier prioritaire de M. Sharif alors que le Pakistan s’approche de la banqueroute.
Pour ce qui est du retrait de l’essentiel des forces de l’Otan en Afghanistan voisin, les analystes ne s’attendent pas à un changement de la politique officielle du Pakistan, favorable à une paix négociée entre différentes factions du pays.
Concernant l’Inde, dont la rivalité historique avec le Pakistan a conduit les deux pays à s’affronter lors de trois guerres, Nawaz Sharif devrait encore là adopter une approche pragmatique, en tentant de capitaliser sur ses contacts personnels avec les dirigeants indiens.