Nasir al-Din al-Tusi Le maître à penser de son époque


Mardi 5 Juillet 2016

Abū Jaʿfar Muḥammad ibn Muḥammad ibn al‐Ḥasan Naṣīr al‐Dīn al‐Ṭūsī, souvent simplement Naṣīr al‐Dīn al‐Ṭūsī1, ou parfois Naṣīr ad‐Dīn ad‐Ṭūsī (1201, à Tus en Iran - 1274) est un philosophe, mathématicien, astronome et théologien perse musulman.
Après des études à Tus, Nishapur et Mossoul, al-Tusi s'installe pendant près d'un quart de siècle auprès des dirigeants des Nizârites ismaéliens. Cette période est la plus prolifique de sa vie. Après la chute de la forteresse d'Alamut, il se met au service du prince mongol Houlagou Khan. Il participe à la construction et la gestion de l'observatoire astronomique de Maragha. Il meurt lors d'un voyage à Bagdad en 1274.
Avec la rédaction de près de 150 manuscrits en arabe et en persan touchant la philosophie, la théologie, les mathématiques et l'astronomie, al-Tusi est considéré comme un maître à penser de son époque.
Biographie
On connaît peu de chose concernant son enfance et sa formation à part les informations contenues dans son autobiographie Sayr wa Saluk (Contemplation et Action) écrite vers 1246.
Al-Tusi naît le 17 février 1201 à Tus dans le Khorasan, dans une famille d'érudits chiites duodécimains. Selon son autobiographie, il est encouragé par son père et son oncle maternel, à étudier la théologie et les sciences. Son père, pratiquant à l'esprit ouvert6, l'engage à étudier tous les courants de l'Islam. Outre son oncle, élève de l'historien et philosophe des religions Taj al-Din al-Shahrastani, il a pour professeur Kamal al-Din Muhammad Hasib, élève du poète et philosophe Afdal al-Din Kashani.
À la mort de son père, il quitte sa maison pour parfaire ses connaissances et se rend, vers l'âge de 17/18 ans à Nishapur. Là, il étudie l’œuvre philosophique d'Avicenne, Kitab al-Isharat wa-l-tanbihat (Livre des directives et des remarques), auprès Farid al-Din Damad al-Nisaburi (mort vers 1221). Il suit les exposés de Qutb al-Din Misri, élève de Fakhr ad-Dîn ar-Râzî, sur le Canon d'Avicenne. Il dit avoir rencontré le maître du soufisme Farid al-Din Attar. Entre 1217 et 1221, il se rend en Irak pour étudier la jurisprudence auprès de Mu'in al-Din Salim ibn Badran al-Mazini. Entre 1223 et 1232, à Mossoul, il étudie les mathématiques auprès de Kamal al-Din ibn Yunus (1156/1252). D'après son autobiographie, Tusi semble déçu par ses recherches en théologie. Initialement convaincu que la philosophie grecque pouvait servir d'arbitre dans les discussions théologiques, il prend conscience que la recherche de la vérité dans le domaine religieux ne peut passer que par l'enseignement d'un maître spirituel et c'est alors qu'il commence à se tourner vers l'ismaélisme.
L'invasion mongole rend la région instable. Vers 1230, al-Tusi trouve refuge chez le gouverneur ismaélien de la région du Kouhistan, Nasir al-Din Muhtashim. Grâce à lui, il est reçu comme novice dans la communauté ismaélienne. Concernant sa conversion, les historiographes sont partagés d'autant plus qu'al-Tusi affirmera avoir vécu chez les Ismaéliens sous la contrainte. Il reste près de 25 ans auprès d’eux, produisant durant cette période la plus grande partie de ses écrits en éthique, logique, sciences et mathématiques. En 1234, il est invité auprès du prince ‘Alā’ ad-Dīn Muḥammad III (en) qui tient sa cour à la forteresse d'Alamut où les savants fuyant les Mongols trouvent de bonnes conditions de travail, en particulier une importante bibliothèque.
En 1256, la forteresse d'Alamut capitule devant l'armée d'Houlagou Khan et est entièrement rasée. Le rôle d'al-Tusi dans cette capitulation est obscur : il fait partie des négociateurs ayant permis de conclure la capitulation mais se désolidarise de la secte peu après affirmant y avoir séjourné sous la contrainte.
Il se met alors au service d'Houlagou Khan, comme conseiller scientifique et responsable des dotations religieuses. Il prend pour épouse une Mongole et suit la cour à Qazvin, Hamadan puis Bagdad où on le soupçonne d'avoir pris une part active au siège de la ville et à la capitulation du calife abbasside Al-Musta'sim.
En 1259, il convainc Houlagou Khan, féru d'astrologie, de construire un grand observatoire à Maragha. Il est chargé de sa construction et de sa gestion. La supervision du projet l'occupe pendant plus de 10 ans avec la mise en place d'une bibliothèque, d'une communauté scientifique regroupant des savants du monde musulman mais aussi chinois, et l'élaboration de tables astronomiques.
À la mort d'Houlagou Khan, il devient vizir et probablement médecin personnel du fils d'Houlagou, Abaqa Khan. En 1273, il se rend à Bagdad où il tombe malade et meurt en juin 1274. Son corps est enterré près de la tombe du septième imâm chiite Musa al-Kazim.
Œuvres
Avec près de 150 travaux écrits en persan ou en arabe ou même en turc, concernant des domaines aussi variés que la logique, la philosophie, la théologie, la géomancie, les mathématiques, l'astronomie, la minéralogie et la poésie, al-Tusi est un auteur majeur dans le XIIIe siècle du monde islamique. Considéré comme un sage (Hakim), il a reçu le titre honorifique de troisième maître à penser (al-mu'allim al-thalith) après Aristote et Al-Fârâbî.
Sa renommée est telle qu'on lui attribue parfois indûment d'autres travaux.
Philosophie et métaphysique
Les réflexions d'al-Tusi ont touché la philosophie, l'éthique, la logique, la science des religions, aussi bien concernant la jurisprudence islamique (fikh) que la dialectique (kalâm). Son parcours lui permet d'écrire autant sur l'ismaélisme que sur le chiisme duodécimain. Il a également écrit sur le soufisme.
Al-Tusi a écrit plusieurs traités de logique dont Asas al-iqtibas (base de l'inférence - 1244) écrit en persan qui est considéré comme la contribution la plus importante du XIIIe siècle en logique et Tajrid al-mantic écrit en arabe. Il a aussi produit des commentaires et des traductions en persan de penseurs arabes comme un commentaire sur l'ouvrage d'Avicenne al-Isharat wa'l tanbihat (Livre des directives et remarques), terminé en 1246, dans lequel il répond aux critiques faites par Fakhr al Din al Razi sur l'œuvre d'Avicenne. Il y traite de la connaissance de Dieu, la nature de l'espace et la création du monde physique. Il se positionne dans la lignée de la philosophie péripapéticienne. Sur la nature de l'être, al-Tusi distingue les êtres dont l'existence est nécessaire, Dieu, de ceux dont l'existence est contingente. On lui doit aussi un commentaires du texte de Fakhr al-Din al-Razi sur le Kalâm dans lequel il tente d'ouvrir plus largement l'étude de l'islam aux concepts philosophiques grecs tout en réfutant les attaque d'al-Razi sur l'œuvre d'Avicenne.
Ses travaux en éthique s'appuient sur les penseurs grecs et préislamiques persans d'une part et sur le Coran d'autre part. Il écrit Akhlaq-i Muhtashimi (Éthique de Muhtashim) , selon les notes de son protecteur ismaélien durant le début de son séjour au Kouhistan (vers 1232-1234)13. Ce traité décrit les principes que doivent suivre les personnes justes, cite le Coran, parle du besoin de connaissance de Dieu. Chaque chapitre se termine par une citation grecque. À peu près à la même époque, il écrit Gushayish-nama (notes sur le dévoilement). Mais son ouvrage le plus connu est Akhlaq-i Nasiri (L'Ethique de Nasir), écrit en persan. Il est travaillé en deux temps, la première partie est achevée en 12351, mais l'ouvrage est repris quand al-Tusi est à la cour d'Houlagou Khan. Il y développe un système philosophique combinant enseignement musulman et philosophie aristotélicienne. Il y traite de la nature de Dieu, des sciences héritées des Grecs, de la nature de l'esprit humain, des vertus, du bonheur, de l'amitié, des politiques domestiques et nationales.
Sciences
Mathématiques
On lui doit une recension et une révision des mathématiques grecques et arabes (Autolycos de Pitane, Euclide, Apollonios de Perga, Archimède, Hypsiclès, Théodose, Ménélaüs, Ptolémée) Thābit ibn Qurra et les frères Banu Musa). En particulier, ses travaux concernant les auteurs des textes intermédiaires, c'est-à-dire ceux écrits entre Euclide et Ptolémée deviennent des textes de référence. En l'absence de structure d'enseignement spécifique, cette recension et ces commentaires deviennent des outils très précieux de transfert de connaissances.
Il a écrit également des textes originaux en arithmétique, en trigonométrie, en calcul numérique, en dénombrement, en géométrie.
Dans son traité d'arithmétique Jawami al-hisab bi'l-takht wa'l turab, on trouve une pratique du calcul avec table à poussière, l'usage du triangle arithmétique ou triangle de Pascal, une méthode d'extraction de racine nième inspirée d'al-Samawal. Al-Tusi a approfondi l'usage de la combinatoire et du dénombrement dans un mémoire mêlant dénombrement et métaphysique sur la démonstration du mode de l'émanation des choses en nombre infini à partir du principe premier unique.
Astronomie
Al-Tusi a écrit de nombreux traités d'astronomie pratique, de cosmographie et d'astrologie.
Un premier traité d'astronomie Risala-yi Mu'iniyya (Le traité de Mu'inid) rédigé en persan semble écrit en collaboration avec le fils de son protecteur Nasir al-Din Muhtashim, et lui est dédié.
Durant sa période ismaélienne, on note deux traités Tahir al-majisti(rédaction de l'Almageste - 1247) suivi d'un second écrit en persan Hall-i mushkilat-i Mu'iniyya (Résolution des problèmes soulevés par la Mun'iyya) qui, repris et complété en arabe, deviendra al-tadhkirah fi'ilm al-haya (Trésor de l'astronomie - terminé vers 1261).
Dans ces deux ouvrages, al-Tusi tente de trouver des solutions aux problèmes soulevés par le modèle astronomique de Ptolémée (mouvement non uniforme, mouvement non circulaire). Il met en place un modèle, appelé couple d'al-Tusi, utilisant deux cercles, le plus petit roulant à l'intérieur d'un cercle deux fois plus grand. Ce modèle permet d'expliquer une rotation non uniformeet de remplacer un mouvement d'oscillation rectiligne par la combinaison de deux rotations. Al-Tusi l'utilise dans le modèle de la Lune et des planètes supérieures. Il en démontre également une version sphérique qui lui permet d'expliquer le phénomène de la prosneuse (oscillation de l'axe de l'épicycle lunaire).
Ce modèle se retrouve ensuite dans l'œuvre de Copernic laissant supposer une éventuelle influence.


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