Un clairon de la fanfare municipale gît dans un lavabo. Il n’y a plus une vitre aux fenêtres, des papiers administratifs jonchent le sol de la cour. La mairie de Bossangoa, à 250km au nord-ouest de Bangui, résume cruellement la situation de la ville.
«8 septembre 2011, c’est la journée de l’alphabétisation», proclame une affiche encore collée sur un mur. Une enveloppe libellée à l’adresse de «Monsieur le directeur général de l’administration» traîne sur un bureau. Autant de reliques d’une époque «normale», avant que tout s’évanouisse dans un tourbillon de violences et de peurs.
A Bossangoa, où les violences intercommunautaires à grande échelle ont commencé en septembre, il n’y a plus rien.
Bossangoa est une ville de déplacés. Les habitants vivent dans deux camps: les chrétiens d’un côté, rassemblés près de l’église, les musulmans de l’autre, près de l’école Liberté. Au total, près de 35.000 personnes, soit la quasi-totalité de la population de Bossangoa.
Entre eux, la méfiance, et le cercle vicieux des «rumeurs qui nourrissent la peur et entraînent le conflit», déplore le général Francisco Soriano, chef de l’opération militaire française Sangaris en Centrafrique, en visite jeudi à Bossangoa.
Depuis début décembre, une centaine de soldats français sont basés dans l’ancienne usine de coton de Bossangoa, et tout le monde s’accorde à dire que leur présence, ainsi que celle d’un contingent congolais de la Misca, la force africaine, ont largement contribué à apaiser la situation. «On est passé du rouge à l’orange», résume un officier français.
Les Séléka (les rebelles musulmans qui ont renversé en mars le président François Bozizé et régné en maîtres sur le pays pendant 10 mois) ont été cantonnés.
Les anti-balakas (milices chrétiennes) se sont faits plus discrets depuis quelques semaines. Aucune attaque meurtrière n’a été signalée depuis une quinzaine de jours.
Mais cela ne suffit pas à éteindre la peur, et les déplacés ne retournent pas chez eux.
Et alors que la Centrafrique devrait lundi avoir un nouveau président de transition, le général Soriano demande à ses troupes de rester «très vigilantes» pendant ces jours d’incertitude politique.
Les ex-militaires restés fidèles à François Bozizé —originaire de la région de Bossangoa—, sont toujours en embuscade, à une soixantaine de km au nord. «Ils ont des armes de guerre. Et on risque d’avoir des problèmes avec eux», confie une source militaire.