Mohamed Mbougar Sarr dévoile “La Plus Secrète Mémoire des hommes ”

Le Goncourt consacre l’Afrique Subsaharienne : Une première


Libé
Jeudi 4 Novembre 2021

C’est une singularité qui en appelle d'autres. Mohamed Mbougar Sarr est le premier écrivain d’Afrique subsaharienne à remporter le prix Goncourt pour son roman «La Plus Secrète Mémoire des hommes» (Editions Philippe Rey). Sur le plateau du JT de 20 heures sur France 2, l’auteur sénégalais s’est dit “envahi par beaucoup de très beaux souvenirs de ma formation. J’ai aussi pensé à ma famille et à mes professeurs”.

La joie mesurée et sans effusion de ce trentenaire tranche avec l’exploit qui est le sien. Le Goncourt ce n’est pas un prix comme les autres. On parle du plus prestigieux et plus ancien prix littéraire au monde. Né à Dakar en 1990 et fils d’un médecin de Diourbel, Mohamed Mbougar Sarr a obtenu six voix au premier tour, d’après Philippe Claudel, secrétaire général du Goncourt. Coiffant ainsi au poteau les favoris : Christine Angot, Sorj Chalandon et Louis-Philippe Dalembert.

Si quelques voix sont allées à Sorj Chalandon pour “Enfant de salaud” (Grasset) et au Haïtien Louis-Philippe Dalembert pour « Milwaukee Blues » (Sabine Wespieser), le “Voyage dans l’Est” (Flammarion) de Christine Angot est reparti bredouille du concours sans aucune voix, malgré son succès lors du prix Médicis quelques jours plus tôt.

Au vrai, Mohamed Mbougar Sarr n’est pas seulement le premier écrivain d’Afrique subsaharienne à inscrire son nom au palmarès du prix Goncourt, il est également le plus jeune lauréat depuis Patrick Grainville en 1976. Quoique, pour ce dernier, “il n’y a pas d’âge en littérature. On peut arriver très jeune, ou à 67 ans, à 30 ans, à 70 ans et pourtant être très ancien”.

En choisissant de s’inspirer dans son œuvre primée du destin maudit de l’écrivain malien Yambo Ouologuem, Mohamed Mbougar Sarr voulait faire montre d’une “fascination pour ce personnage. Fascination qui s’est nourrie de sa lecture et de ces questions : dans quel état d’esprit était-il ? Qu’a-t-il fait après? Pourquoi s’est-il tu?” a-t-il expliqué. Et de préciser : “Mais je m’empresse de dire que la “Plus Secrète Mémoire des hommes” n’est pas sur lui, disons qu’il en est une inspiration, une silhouette tutélaire. Ce n’est pas sa vie que je romance. Je ne cherche pas à faire une exofiction, un genre très à la mode”.

Le romancier n’est pas à son premier essai. Dans les années 2010, celui qui a fait ses classes préparatoires littéraires en France, dans un lycée de Compiègne (Oise) avant de s’inscrire à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, a publié trois autres fictions : “La Cale” (nouvelle), “Terre ceinte” (Éditions Présence Africaine), Silence du chœur (Éditions Présence Africaine) et enfin “De purs hommes” (Éditions Philippe Rey9). Autant d'œuvres qui ont offert à l’écrivain tout le loisir de "jouer avec les caricatures, les réductions et les a priori jusque dans la littérature", comme il l’a expliqué dans le JT de France 2.

Mohamed Mbougar Sarr conçoit la littérature comme "un espace de liberté, où l’on peut s’attendre à être surpris, où l’on fait confiance à la singularité, sans englober, sans procéder par catégorisation abusive". L’écrivain s’est donc allègrement "moqué de ces attentes-là", surtout lorsqu’elles s’appliquent à un auteur qui "vient d’un espace francophone ou qui est noir", conclut-il.

Chady Chaabi


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