Mohamed Chergui-Darif : Quoi que je dise, je ne serais pas en mesure de décrire le ressenti exact des étudiants


Paris : Propos recueillis par Youssef Lahlali
Jeudi 30 Avril 2020

Mohamed Chergui-Darif : Quoi que je dise, je ne serais pas en mesure de décrire le ressenti exact des étudiants
La France héberge la plus grande communauté estudiantine marocaine à l’étranger, avec à peu près 40.000 étudiants. Avec le confinement lié
à la pandémie  du Covid-19, la situation
de certains d’entre eux a été fragilisée, isolés dans des cités ou des studios loin de leur famille
sans pouvoir travailler.
Libé a rencontré Mohamed Chergui-Darif,
étudiant dans la région de Marseille
qui coordonne l’initiative Solid’Act d’ici
et d’ailleurs qui soutient les étudiants
en difficulté.
Dans cet entretien, il nous livre ses impressions.


Libé : Après la propagation du Covid-19, quelle est la situation des étudiants marocains dans la région de Marseille ?
Mohamed Chergui-Darif :  Si vous permettez, je voudrais souligner une chose : la crise sanitaire due au Covid-19 menace l’humanité entière. Tous les Etats ont été obligés de prendre des décisions exceptionnelles afin de protéger leurs citoyens. Nous avons été surpris  de voir les cours suspendus, les restaurants et cafés fermés,  mais surtout les frontières de notre pays fermées. Les autorités marocaines, sur Hautes instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, ont pris des mesures préventives pour éviter la propagation du virus et des scénarios catastrophiques à l’image de certains pays. J’applaudis les décisions courageuses prises dans ce sens.
La situation des étudiants marocains est similaire à celle de tous les étudiants extracommunautaires en France. Nous sommes en détresse. Il faut avouer que la situation est étrange, on demande aux étudiants de rester chez eux, avec des restrictions de sortie alors qu’avant, ils poursuivaient leurs études à l’université, rencontraient leurs amis au centre-ville pour prendre un café, effectuaient des stages… Nous ne savons pas quand nous sortirons du confinement, et nous ne savons pas quand nous pourrons regagner notre cher pays.

En cette période difficile, comment les étudiants se sentent-ils loin de leurs familles et de leurs proches dans des cités vides sans pouvoir travailler ou rencontrer des amis?
Il est difficile de décrire le ressenti de l’ensemble des étudiants. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous nous sentons seuls, isolés. L’isolement est un facteur de stress qui rend difficile la poursuite des études. J’avoue qu’il est difficile de trouver de la motivation dans une telle situation. Je vous laisse imaginer ce que c’est que demander à un étudiant confiné dans sa chambre ou son studio, loin de sa famille, ses amis et ses proches de rester motivé et de travailler. Je ne suis pas en mesure de décrire le ressenti exact des étudiants. Mais voilà, on est perdus, isolés,  en détresse…

Pour ceux qui sont en difficulté, qui viendrait à leur secours, les associations, le consulat le Crous ? Est-ce que le Crous offre des aides financières aux étudiants marocains ?
Les institutions, que ce soit la société civile ou l’Etat, n’étaient pas suffisamment résilientes pour gérer une telle crise. Nous avons vu l’ensemble des acteurs improviser pour trouver des solutions en urgence. Nous sommes en contact permanent avec le consulat général du Royaume du Maroc à Marseille. Je m’entretiens trois à quatre fois par jour avec les services consulaires qui prennent des nouvelles des étudiants marocains. Ils font d’ailleurs un grand boulot et je les salue chaleureusement. Je m’entretiens aussi avec le consul général de Marseille, Younes Dirhoussi, qui lui aussi fait un bon travail, mais on devrait reconnaître que les ressources, qu’elles soient financières ou humaines du consulat, ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins de l’ensemble des étudiants, dont le nombre est estimé à 1200 à l’université Aix-Marseille. Le Crouss n’a pas suspendu les loyers mais distribue des petits colis alimentaires jugés insuffisants par les étudiants.
Il faut un renforcement de l’action publique. L’Etat français et les instances consulaires et diplomatiques de l’ensemble des pays doivent converger leurs efforts pour répondre aux besoins des étudiants étrangers.

Comment votre structure d’étudiants gère-t-elle cette situation ?
Permettez-moi de vous présenter brièvement notre initiative. Elle a été créée indépendamment de toute institution, par des étudiants marocains à Aix-Marseille université. Cette action a pour but de créer des liens de solidarité et d’organiser des actions pour/par des étudiants internationaux. Ayoub Semlali, M'barek Azzouzi, Yassine Boukal, Ali Sentissi, Kaoutar Dabdoubi et Mohammed Chergui-Darif sont les personnes qui l’ont créée humblement.
Nous avons une centaine d’étudiants, marocains en majorité, que nous gérons avec beaucoup de difficultés. Leurs besoins sont différents, nous avons une étudiante qui fait des crises d’angoisse, un étudiant qui prend des antidépresseurs, il s’agit de besoins différents. Le consulat gère des cas en ce moment même. Mais pour  la majorité des cas, on se débrouille à droite et à gauche pour les gérer.
Dans ce sens, nous avons lancé un appel via les réseaux sociaux, et grâce à cette action, on a pu distribuer 195 colis alimentaires à des étudiants de différentes nationalités, marocains en majorité entre Aix en Provence et Marseille. Nous travaillons en ce moment sur un suivi psychologique pour des étudiants qui en ont besoin.
Nous demandons le renforcement des aides en faveur des étudiants internationaux, aides alimentaire, financière ou psychologique, jugées insuffisantes dans le contexte actuel par les étudiants. Nous souhaitons un renforcement de l’action publique en faveur des étudiants étrangers.

Un étudiant marocain a été retrouvé mort dans sa chambre. Dans quelles circonstances cela s’est passé ?
Je présente d’abord mes sincères condoléances à la famille du défunt Khalid Sabbah au nom de l’initiative Solid’Act d’ici et d’ailleurs. Tout ce que je sais, c’est qu’il est mort suite à une crise cardiaque.


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