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Miser sur le blé de la mer Noire. Etait-ce une bonne idée ?


Hassan Bentaleb
Jeudi 3 Août 2023

La question alimentaire est de retour avec plus d’ acuité suite à la décision prise par la Russie

Le pari pris par le gouvernement sur les importations de blé en provenance de la mer Noire n’est-il pas en train de tourner au fiasco ? En effet, en mars dernier, l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses a mis en place une disposition visant à accroître la concurrence sur le marché national des importations dominé par le blé en provenance de l’UE, notamment de la France, en encourageant l’importation de blé en provenance de l’Ukraine et de la Russie. Qu’en est-il aujourd’hui de cette mesure ?

Hausse des prix
Selon plusieurs analystes, le non renouvellement de l'accord de transport de céréales via la mer Noire par la Russie, aura pour conséquences l’augmentation de la facture alimentaire au Maroc et en Algérie, tout comme en Egypte, en Tunisie, au Soudan et au Yémen. Rabat sera affecté d’une manière indirecte à cause des perturbations des chaînes d’approvisionnement au niveau des marchés internationaux, précisent certaines analyses. A rappeler que le Maroc fait partie des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée qui captent 12% des importations mondiales de céréales alors qu'ils ne représentent aujourd'hui que 4% de la population mondiale. Depuis le début des années 60, les importations céréalières nettes ont été multipliées par 20 au Maroc, par 21 en Algérie, par 13 en Tunisie et par 4 en Egypte. Les projections indiquent que ces importations devraient continuer de croître dans les années à venir pour satisfaire les besoins humains mais aussi la demande animale. Si l'impact de la fin de l'accord est à présent atténué par l'actuelle période de récolte que connaissent les pays de l'hémisphère nord où elle s'annonce bonne, il n’en demeure pas moins que des inquiétudes se profilent sur le long terme. Car si la Russie ne change pas d'avis, constate un journaliste de TF1 Info, l'accalmie sur les cours pourrait ne pas durer. "Une fermeture durable du corridor aura un impact sur l'inflation alimentaire", prévient Olia Tayeb Cherif, responsable d'études au sein de la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (Farm), auprès de l'AFP. Ce que confirme Marine Raffray, économiste aux Chambres d'agriculture de France. "A plus long terme, peut-être connaîtronsnous un nouvel emballement", indique-t-elle à TF1 Info. "Nul ne peut statuer sur la manière dont la Russie va réagir dans les prochains mois."

Géopolitique du blé
Plusieurs questions restent également en suspens telles que si l’Ukraine pourra poursuivre ses exportations via d'autres canaux ou si la production mondiale sera toujours suffisamment bonne pour répondre à la demande de la planète. Autant d'incertitudes à même d'alimenter une hausse des cours. "D'autant que la place de la Russie sur les marchés agricoles - dont les engrais - a poursuivi sa progression depuis le début du conflit", rappelle Marine Raffray. "La capacité d'influence de Moscou sur les prix augmente. Sur le moyen et le long termes, cela va jouer." Sébastien Abis, auteur de «Géopolitique du blé», a déjà observé, dans ce sens, que dans le monde, 15 pays seulement représentent 80% de la production mondiale de blé, dont la Chine, l’Inde et la Russie qui s’accaparent la moitié de la production, et seuls huit pays –dont la France- réalisent 80% de l’exportation mondiale de blé. Tout en soulignant que les pays qui en possèdent ne se placent pas systématiquement dans une dynamique de coopération ou de solidarité. Ainsi, la Russie, qui produit entre 70 et 90 Mt de blé par an et en exporte la moitié, adopte «un comportement qui géopolitise le blé» afin d’asservir un certain nombre de pays, « c’est-à-dire que le blé est aussi une façon de faire chanter ces pays pour que, sur d’autres sujets, ils se rangent derrière les logiques que le Kremlin veut développer au niveau de l’organisation de la planète», explique Sébastien Abis.

Sécurité alimentaire en suspens
Face à cette situation, la question de la sécurité alimentaire se pose avec d'autant plus d'acuité. En effet, le Maroc, qui fut exportateur de céréales jusque dans les années soixante, ne dispose pas aujourd'hui de la volonté politique de mettre en place les plans et moyens adéquats pour résorber son déficit en blé et, du coup, disposer d'un pouvoir de négociation dans la géopolitique de l'alimentation. Le Maroc couvre actuellement quelque 55 à 65% de ses besoins en année normale. Si sa productivité ne s'améliore pas radicalement, son taux de couverture des besoins céréaliers sera inférieur à 40% dans les années à venir. Un taux qui continuera à décroître jusqu'à ce que la population se stabilise plus ou moins vers le milieu du siècle. Selon certaines statistiques, le ratio de dépendance en céréales est passé de 26 à 73% en 2000. Une situation que le plan Maroc Vert ne semble pas avoir prise en ligne de compte puisqu'il a relégué l'incontournable notion de sécurité alimentaire aux calendes grecques. Particulièrement en ce qui concerne la céréaliculture. A cet effet, il avait prévu de faire baisser de 22% les superficies qui lui seront dédiées en l'an 2020 en espérant voir la production suivre une courbe contraire et passer de 53 millions de quintaux à 76 en cette même année, moyennant l'injection de quelque 11 milliards de DH. Affaire à suivre. 


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