Membre de l'Académie française depuis juin 2011 : Amin Maalouf se prépare à l'immortalité sur son île

Mardi 2 Août 2011

Amin Maalouf, l'écrivain franco-libanais qui vient d'être élu à l'Académie française, se prépare à l'immortalité dans sa petite maison de l'île d'Yeu où il passe plusieurs mois chaque été.
"Cette île, c'était un coup de foudre immédiat, je cherchais un endroit calme pour trouver la sérénité", explique l'auteur de "Léon l'Africain", "Le Rocher de Tanyos" (Prix Goncourt 1993) ou "Samarcande".
Il trouve là "comme un lieu familier", une ambiance qui lui évoque le village du Liban où, enfant, il passait ses vacances en famille avec "les figuiers, les oliviers, les vignes", confie-t-il dans la petite cour de sa maison aux volets bleus, un lieu clos et frais à peine troublé par la rumeur du voisinage.
Il "n'aime pas les réveille-matin" mais il se lève tôt, travaille toute la matinée dans son bureau aux murs tapissés de livres, copie conforme "en plus petit" du bureau de son appartement parisien, dans le quartier des Ternes.
L'après-midi, "je lis, j'écoute les informations, je cherche à savoir ce qui se passe dans le monde, je vais me promener", raconte-t-il avec un accent à peine perceptible.
L'actualité du monde passionne cet ancien journaliste converti aux vertus d'Internet. "C'est un immense privilège de vivre aujourd'hui, les moyens que j'ai en tant que citoyen ordinaire devant mon écran sont infiniment supérieurs aux moyens qu'avaient les gouvernements les plus puissants il y a trente ans: on peut tout observer, tout savoir très vite sur ce qui se passe partout dans le monde", dit-il.
En début d'année, au moment des grands soulèvements du monde arabe, il a passé "plusieurs heures par jour, parfois même des journées entières" devant son écran.
"Aujourd'hui, je suis inquiet pour le monde arabe qui est en train de piétiner mais aussi pour l'Europe", parce qu'elle "régresse", qu'elle "est en train d'abandonner son rôle, de le jouer de manière nonchalante, sans conviction", dit-il.
Pour lui, "on va plutôt vers un monde arabe qui va être pendant quelques années dans les soubresauts avant de trouver un point d'équilibre".
"Je ne crois pas à une contagion en direction du Liban, on va plutôt assister à un attentisme généralisé de la part de toutes les factions qui vont attendre de voir ce qui va se passer ailleurs dans le monde arabe, surtout en Syrie", analyse-t-il.
Celui qui s'est exilé avec sa famille en 1976 à cause de la guerre civile, espère néanmoins voir une "modernisation politique" de son pays, selon lui marqué par "une sorte d'archaïsme politique, avec des chefferies politiques qui se perpétuent et qui pèsent sur le système".
Loin des reportages de sa jeunesse, il dit être devenu, à 62 ans, "un observateur, quelqu'un qui essaie de comprendre avec un regard d'historien".
C'est aussi en observateur qu'il vit au cœur de l'île. "Je ne vais jamais à la plage, rarement sur un bateau sauf quand je fais la traversée pour venir sur l'île, (...) j'aime être au bord de la mer, regarder l'étendue marine, j'en ai besoin", explique-t-il.
Quand il était étudiant en sociologie à Beyrouth, il "n'aurait jamais imaginé que sa vie se dirigerait dans cette direction", qu'il succèderait à Claude Lévi-Strauss à l'Académie française. "C'est intriguant, c'est fascinant, je le vis comme un grand privilège", dit-il.
"J'attends la rentrée pour voir comment tout cela se prépare, la réception, l'habit, l'épée et puis il y a le discours, mais je sais d'avance que le problème sera de pouvoir dire tout ce que j'ai à dire en moins d'une heure", plaisante-t-il.
Pour lui, "il y a une utilité dans une société à avoir des institutions qui donnent une solennité à la culture", surtout à une époque où "le débat intellectuel a moins d'importance dans la société que le débat sur l'efficacité économique".
"Il est important d'avoir une institution dont la fonction principale est de se préoccuper de la langue, des mots de la langue, de la définition de ces mots, du dépoussiérage du dictionnaire", souligne ce passionné d'éthymologie.
Son élection à l'Académie française a succédé à deux tentatives malheureuses en 2004 et 2007, année où il s'est retiré avant le vote. Mais pour lui, "les fatigues de la route font que le voyage laisse les souvenirs plus denses". 

AFP

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