Matteo Renzi, le ténor toscan devenu inaudible


Libé
Jeudi 21 Janvier 2021

I l battait déjà des records d’impopularité : Matteo Renzi, ancien Premier ministre au tempérament bouillonnant, risque de s’aliéner ses derniers soutiens après avoir torpillé la majorité à laquelle son parti appartenait. A 46 ans, il a claqué la porte de la coalition gouvernementale en retirant les deux ministres de son parti Italia Viva, accusant le chef de l’exécutif Giuseppe Conte de faire cavalier seul et contestant les priorités du plan de relance économique italien. Mené au début de la campagne de vaccination massive contre la Covid-19, son “coup de poker”, comme le qualifie le politiste Roberto D’Alimonte, a ulcéré la majorité et suscité les critiques d’une partie de la presse.

Pour La Repubblica, il n’a rien à perdre. “Le défi +obligé+ de Renzi en quête de sa popularité perdue”, titrait lundi le quotidien proche du centregauche. Aujourd’hui au plus bas dans les sondages, les enquêtes d’opinion donnent son parti, Italia Viva, à 3% des intentions de vote en cas de législatives anticipées. Un étiage humiliant pour le “Tony Blair italien”, qui avait fait rêver le centre-gauche européen en remportant plus de 40% des voix lors des élections européennes en 2014. Depuis, la dégringolade est rude. Ce Toscan qui parle toujours aussi fort mais n’est plus entendu paye assurément une personnalité jugée souvent hautaine et un brin autoritaire. “Vous n’avez pas besoin d’être populaire pour faire de la politique”, assurait-il pourtant ces derniers jours sur la chaîne Rete 4, de cet accent florentin teinté d’un léger zozotement qui faisait son charme avant que les Italiens ne finissent par se lasser. “Je sais : beaucoup de gens ne m’aiment pas. Je vais vous dire une chose : je ne sais pas quoi en penser. Je peux raconter des blagues”.

Il paye aussi ses promesses trahies de faire de l’Italie “le pays où on trouve du travail parce qu’on connaît quelque chose et non parce qu’on connaît quelqu’un”, et des déboires judiciaires pour financement illégal de parti politique qu’il conteste. Arrivé à la tête du Parti démocrate (PD) fin 2013 alors qu’il était maire de Florence, sans avoir jamais siégé au Parlement ou été ministre, il promettait de “mettre à la casse” les caciques de son parti, et quelques autres. Or, il s’est surtout lui-même entouré de fidèles, souvent Toscans comme lui, qui lui ont valu des soupçons de favoritisme. En février 2014, à 39 ans, il devient le plus jeune chef de gouvernement italien depuis Benito Mussolini et son parti rafle 41% des suffrages aux européennes. Pour parvenir à ses fins, il pousse sans ménagement vers la sortie le Premier ministre Enrico Letta, ex-N.2 du PD, auquel il avait pourtant tweeté un désormais fameux “Enrico stai sereno” (“Enrico, sois tranquille”) moins d’un mois plus tôt.

Mais la chance tourne rapidement pour celui qui, adolescent, avait remporté 48 millions de lires (24.800 euros) au jeu télévisé La roue de la fortune. Sous sa législature, l’Italie a modernisé l’école, légalisé le mariage gay, simplifié les procédures de divorce, baissé les impôts pour les revenus les plus faibles. Mais ses politiques centristes et une certaine arrogance ont éloigné les syndicats et l’aile gauche du PD. Et en 2016, son rêve d’une Italie “plus efficace et plus simple” s’est brisé sur le rejet sans appel de sa réforme constitutionnelle lors d’un référendum qui a tourné, à ses dépens, au plébiscite. A l’automne 2019, c’est la scission. Matteo Renzi, secrétaire général du Parti démocrate, crée Viva Italia en espérant prendre un espace au centre. Un parti du PD le suit, mais visiblement pas l’opinion. Selon un sondage de l’Institut Demos&Pi publié lundi dans la Repubblica, seul 1% des personnes interrogées fin décembre, avant même le retrait de ses ministres, jugeait son action positive en 2020. Prenant acte de ce désamour, il convoiterait le poste de secrétaire général de l’OTAN en 2022, selon les médias italiens.


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