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Maroc Vert et pain amer: Le paradoxe est là


Hassan Bentaleb
Lundi 27 Septembre 2021

Les augmentations des prix, une réalité. Les programmes enchanteurs, une chimère.

«Il y a une augmentation des prix du pain au niveau des boulangeries, mais cela ne concerne que les pains spéciaux produits à base de blé dur. Ces hausses des prix ne sont que provisoires et le retour aux prix initiaux est liée à la baisse du prix du blé dur au niveau du marché international», a assuré Lahoucine Azaz, président de la Fédération de la boulangerie et pâtisserie du Maroc (FNBPM).Pour ce dernier, il faut distinguer entre le pain produit à base de blé tendre subventionné par l’Etat et dont le prix est fixé à 1,20 DH et le pain produit à base de blé dur dont le prix a enregistré des hausses légères (entre 20 et 50 centimes). « A noter que ces hausses ne concernent pas l’ensemble des boulangeries puisque certains artisans boulangers n’ont pas franchi ce pas », nous a-t-il précisé.
Mais pourquoi de telles hausses des prix ? Pourquoi augmente-t-on les prix alors que la valeur ajoutée du secteur agricole devrait enregistrer un redressement notable au titre de l’année 2021, portée par le raffermissement remarquable des rendements de la majorité des cultures et ce, grâce aux conditions climatiques favorables qui ont marqué la campagne agricole 2020-2021, caractérisée par une bonne répartition temporelle de pluviométrie ? En effet, une note du ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration a indiqué que la production des trois principales céréales au titre de la campagne agricole 2020-2021 est estimée à près de 103,2millions de quintaux, après une estimation initiale de 98millions de quintaux, soit la deuxième meilleure production après celle de 2014-2015. La production de ces trois principales céréales s’est accrue de 221%, comparée à la campagne précédente et de 63% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Par espèce, la production céréalière s’est répartie à hauteur de 50,6millions de quintaux pour le blé tendre, 24,8millions de quintaux pour le blé dur et 27,8 millions de quintaux pour l’orge. Le rendement céréalier moyen s’est établi à 23,7 Qx/Ha, en hausse de 320% par rapport à la campagne précédente, compte tenu d’une superficie emblavée de 4,35 millions d’hectares. « Le blé dur consommé au Maroc est souvent importé notamment de l’UE et du Canada. Cette année a été plutôt marquée par la sécheresse au Canada et la détérioration de la récolte au sein de l’UE, ce qui a fortement impacté les cours du blé au niveau de la Bourse de Chicago », nous a indiqué le président de la FNBPM. Une analyse confirmée par plusieurs experts qui ont rapporté que le marché mondial du blé dur a été marqué, depuis août 2020, par une forte demande traduite par une augmentation des prix en passant de 290$/TM à 350 $/TM. Fin mars 2021, les prix se sont situés autour de 365$/TM et 350$/TM pour le blé dur originaire du Canada et de la France. Des hausses qui sont appelées à s’accentuer aujourd’hui davantage avec les inquiétudes concernant l’offre de la Russie qui a relevé significativement les taxes imposées sur ses exportations de blé. Le marché s’inquiétait aussi de l’arrivée d’une vague de chaleur dans les grandes plaines du centre des Etats-Unis, à compter de samedi, selon les services de la météorologie nationale (NWS). Elle intervient alors que les fermiers sèment le blé d’hiver, notamment dans le Kansas, de loin le plus gros producteur du pays, a précisé le site France agricole. Le boisseau de blé (environ 27 kg) pour livraison en décembre a clôturé en hausse de 0,83 % à 7,2375 dollars contre 7,1775 dollars jeudi. Les blés ne sont pas les seuls à voir leur cotation s’enflammer, précise le journal Le Monde. L’orge, le soja, le colza, le sucre ou le café sont tout autant aspirés dans une spirale haussière. Les aléas météorologiques, avec la canicule enregistrée au Canada, la sécheresse puis le gel au Brésil, les pluies trop abondantes et le gel en France, ont perturbé les espoirs de récolte. A cela s’ajoute une demande soutenue avec la reprise économique. Des hausses qui suscitent la question de la sécurité alimentaire qui se pose avec d'autant plus d'acuité que les stratégies de développement du secteur agricole n'accordent pas l'importance qu'il faudrait à la céréaliculture. En effet, le Maroc, qui fut exportateur de céréales jusque dans les années soixante, ne dispose pas aujourd'hui de la volonté politique de mettre en place les plans et moyens adéquats pour résorber son déficit en blé et, du coup, disposer d'un pouvoir de négociation dans la géopolitique de l'alimentation. Le Maroc couvre actuellement quelque 55 à 65% de ses besoins en année normale. Si sa productivité ne s'améliore pas radicalement, son taux de couverture des besoins céréaliers sera inférieur à 40% en 2020. Un taux qui continuera à décroître jusqu'à ce que la population se stabilise plus ou moins vers le milieu du siècle. Selon certaines statistiques, le ratio de dépendance en céréales au cours des années 90 est passé de 26% à 73% en 2000. De plus, le Maroc fait partie des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée qui captent 12%desimportationsmondiales de céréales alors qu'ils ne représentent aujourd'hui que 4% de la population du monde. Depuis le début des années 60, les importations nettes céréalières ont été multipliées par 20 au Maroc, par 21 en Algérie, par 13 en Tunisie et par 4 en Egypte. Les projections indiquent que ces importations devraient continuer de croître dans les années à venir pour satisfaire les besoins humains mais aussi la demande animale. Une situation que le plan Maroc Vert ne semble pas avoir prise en ligne de compte puisqu'il a relégué l'incontournable notion de sécurité alimentaire aux calendes grecques. Particulièrement en ce qui concerne la céréaliculture. A cet effet, il a prévu de faire baisser de 22% les superficies qui lui seront dédiées en l'an 2020 en espérant voir la production suivre une courbe contraire et passer de 53 millions de quintaux actuellement à 76 en cette même année, moyennant l'injection de quelque 11 milliards de DH. « Ces hausses de prix seront immédiatement revues à la baisse s’il y a des baisses au niveau du marché international et c’est un engagement professionnel», a conclu Lahoucine Azaz. 


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