Les “tests de virginité” dans le viseur de l’ONU

«L’hymen n’a aucune base scientifique ni clinique et ne peut prouver qu'une femme a eu des relations sexuelles»


Chady Chaabi
Mardi 23 Octobre 2018

Dans de nombreux pays musulmans, le rite du drap nuptial a bon dos. Ancrée dans les mœurs et les traditions, la virginité d’une femme est un élément capital au moment de faire le vœu de s’aimer pour la vie et tout ce qui s’ensuit. Mais ladite virginité reste difficile à préserver dans un contexte de changements sociaux, symbolisés à la fois par l’âge moyen du mariage des Marocaines qui est en hausse (28 ans), mais également par l’émancipation et l’indépendance dont elles jouissent de nos jours. Ces nouvelles données ont fini par instiller le doute dans les esprits de plusieurs hommes. Résultat, la plupart d’entre eux imposent des "tests de virginité" à leurs futures épouses, ce qui dénote en creux d’une “confiance aveugle”. Justement, ces tests ont fait l’objet d’une grogne collective, émises par l’OMS, l’ONU Droits de l’Homme et ONU Femmes. Dans une déclaration commune, ces dernières appellent à l’élimination du « soi-disant test de virginité».  
Mais qu’est-ce qu’un test de virginité ? Appelé hymen, «examen à deux doigts» ou examen vaginal, ce test est une inspection des organes génitaux féminins conçue pour déterminer si une femme ou une fille a eu un rapport sexuel vaginal. Cela dit, et en dépit de cette définition qui a de faux airs scientifiques, le communiqué fait peser une ombre  sur sa véracité « Le test de virginité n’a aucune base scientifique ni clinique. Aucun examen ne peut prouver qu'une fille ou une femme a eu des relations sexuelles - et l'apparence de l'hymen d'une fille ou d'une femme ne peut pas prouver qu'elle ait eu des relations sexuelles, qu'elle soit sexuellement active ou non ».
En effet, le rapport sexuel n’est pas la cause exclusive d’une virginité perdue. Combien de femmes l’ont perdue en faisant de l’équitation, de la gymnastique ou même en insérant un tampon. Sans oublier celles qui naissent sans hymen. Bien au-delà de ces considérations, pour l’OMS, l’ONU Droits de l’Homme et ONU Femmes, demander à une femme ce test est avant tout « une violation des droits fondamentaux des filles et des femmes et peut être préjudiciable au bien-être physique, psychologique et social des femmes et des filles ». Et d’ajouter : « Le «test de virginité» renforce les notions stéréotypées de la sexualité féminine et de l'inégalité de genre. L'examen peut être douloureux, humiliant et traumatisant. Etant donné que ces procédures sont inutiles et potentiellement dangereuses, c’est contraire à l'éthique de la part d'un médecin ou d'un autre prestataire de soins de santé. De telles procédures ne doivent jamais être effectuées ».  
La suppression de la pratique du certificat médico-légal revêt une grande importance dans des cas de viol, car toujours selon le même communiqué, « ces tests sont considérés comme faisant partie de l’évaluation des victimes de viol. Cela est inutile et peut causer de la douleur et imiter l'acte de violence sexuelle originel, exacerber le sentiment d'impuissance des victimes et causer une nouvelle victimisation. Le résultat de ce critère non scientifique peut avoir une incidence sur les procédures judiciaires, souvent au détriment des victimes et en faveur des auteurs, aboutissant parfois à l'acquittement des auteurs ».
Les arguments sont solides au même titre que la demande est légitime. Cependant l'élimination de cette pratique néfaste qu’est « le test de virginité » paraît pour le moins compliqué. Tout d’abord d’un point de vue symbolique : dans nos contrées, la virginité est sacralisée, considérée comme un fantasme. Déflorer une fille est le summum de la virilité masculine. Ensuite, la recrudescence des techniques visant à masquer un passé sexuel ne rassure guère les hommes d’aujourd’hui. D’ailleurs, il est assez affligeant de constater que l’union d’un homme et d’une femme au Maroc est souvent voire tout le temps précédée de fortes suspicions. Cela plante le décor autant que le ton futur de la relation. En d’autres termes, pour un mariage construit sur des bases saines, il va falloir repasser.
En tout cas, pour l’OMS, l’ONU Droits de l’Homme et ONU Femmes, la solution est toute trouvée. Et c’est la princesse sud-africaine, Nothema Simelela, sous-directrice générale chargée de la santé de la famille, des femmes, des enfants et des adolescents, qui le dit : «Les professionnels de la santé peuvent être d'excellents agents de changement. Avec le soutien des systèmes de santé et des gouvernements, ils peuvent reconnaître que les «tests de virginité» n’ont aucune base médicale ou clinique et qu’ils doivent refuser d’appliquer cette pratique néfaste et éduquer le public à ce sujet. Ce faisant, ils respectent le serment d'Hippocrate de «ne pas faire de mal» et de protéger les droits fondamentaux des filles et des femmes à leur charge ».
Un beau programme qui risque malheureusement de s’opposer à des intérêts économiques. On se doute bien qu’il ne puisse guère faire le poids face aux deniers drainés aussi bien par le test de virginité que par les chirurgies réparatrices de l’hymen.


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