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Les oncologues du privé sont en colère : Le plan cancer présenté aujourd'hui s'est fait sans eux


Narjis Rerhaye
Mercredi 24 Mars 2010

Grand-messe aujourd'hui à Skhirat  pour Yasmina Baddou. Ce mercredi 24 mars, la ministre istiqlalienne de la Santé  présente officiellement son plan cancer.  Une réunion très attendue, à coup sûr très médiatisée et au cours de laquelle il sera procédé à la présentation du plan de lutte contre le cancer en terre marocaine.
Et déjà la colère gronde dans les rangs de la cancérologie privée. « Le plan cancer de Mme Baddou n'a impliqué que le secteur public. Aucun oncologue du privé n'a été associé à l'élaboration de ce plan cancer qui est, sous d'autres cieux, d'une extrême importance. Pire encore, personne du secteur médical libéral  n'a été convié mercredi à la réunion de lancement », se plaint ce radiothérapeute de Rabat. Contactés par « Libération », les dirigeants de la Fédération des centres privés  de cancérologie ont affirmé n'avoir reçu aucune invitation pour assister au lancement du plan cancer. « De toutes les façons, on nous appelle souvent à la toute dernière minute, juste pour faire politiquement correct et entériner des décisions officielles qui se prennent on ne sait où », soupire un membre de cette fédération.
La pilule a bien du mal à passer. Et pour cause ! Au Maroc, 40% des traitements contre le cancer sont assurés par le secteur privé. Sur l'axe Rabat-Casa-Fès,  les cliniques privées spécialisées disposent de plateaux techniques les plus innovants. « Entre cobalts et accélérateurs, le privé dispose de 10 machines sur les 18 qui existent à travers le pays. Les centres privés anti-cancer qui ont pignon sur rue sont d'ailleurs des centres intégrés multidisciplinaires où l'on retrouve tout à fois chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, curithérapie. Il faut bien le savoir, le cancérologue doit être d'abord et avant tout une équipe. Cette unité de soins portée par des réunions de concertation pluridisciplinaire a été consacrée par les centres anti-cancer appartenant au secteur libéral », explique ce chirurgien cancérologue.

“ Mépriser le secteur libéral, c'est mépriser les patients qui en font le choix”

Que s'est-il donc passé ? Et pourquoi l'immense chantier de lutte contre le cancer semble bouder les oncologues libéraux ? Les questions se bousculent et restent jusque-là sans réponse. « Il y a quelques années à peine, le ministre de la Santé de l'époque, Mohamed Cheikh Biadillah, n'avait aucun complexe à montrer aux visiteurs étrangers les centres privés anti-cancer pour témoigner du degré d'expertise auquel le Maroc était parvenu en matière de lutte contre le cancer », se souvient presque nostalgique ce radiothérapeute exerçant à Rabat.
A la veille de la présentation du plan cancer, les oncologues du privé ne cachent pas leur surprise : ils ont été tout simplement marginalisés. « On oublie trop vite que le secteur privé a servi de locomotive dans la lutte contre le cancer dans ce pays. On oublie trop vite le saut qualitatif effectué en 10 ans par l'exercice de la cancérologie dans le privé.
Contrairement à ce peuvent penser quelques esprits chagrins, le secteur privé médical joue son rôle citoyen, investit, crée de l'emploi et des richesses et s'acquitte de ses impôts. Mépriser le secteur libéral, c'est aussi mépriser tous les patients qui font le choix de s'y soigner », s'indigne cet oncologue médical d'un centre privé anti-cancer de la capitale. Pour cette blouse blanche, il n'y a pas le moindre doute : sans le secteur privé, un plan cancer est amputé d'une partie essentielle de ceux et celles qui luttent tous les jours contre cette maladie devenue enfin une affaire de santé publique.  « C'est une évidence, le secteur libéral doit faire partie intégrante du plan cancer. Plus de 40% de nos malades bénéficient de l'AMO. Il est clair que notre expertise, notre expérience ne pouvaient qu'enrichir ce plan qui visiblement ne marche que sur une jambe, celle du public. Yasmina Baddou serait-elle devenue la ministre de la Santé publique en lieu et place de la santé tout court ? », s'interroge avec perfidie ce praticien.
Les cancérologues du secteur libéral en sont convaincus : il ne saurait y avoir de lutte valable contre le cancer sans la contribution de tous. L'exemple français est cité abondamment. En 2003, le plan cancer français a clairement fixé ses principes. Ce grand chantier national de lutte contre le cancer devait répondre « aux besoins des patients, de leurs proches et des professionnels qui prennent en charge cette maladie ». Résultat, le gouvernement français de l'époque avait choisi de conduire cette action dans la plus grande transparence et d'être à l'écoute de tous ceux qui souhaitaient apporter leur contribution à ce plan cancer. Mieux encore, des appels à projets et à propositions avaient été très officiellement lancés sur le site dédié au plan cancer de l'Hexagone.
La lutte contre le cancer est l'affaire de tous. La conviction est profonde chez tous les professionnels de santé. « Face au désespoir, à la douleur, au tabou, plus que jamais la solidarité est essentielle. Ce n'est sûrement pas à l'occasion de cette grande cause qui est le combat contre cette maladie qu'il faut dresser des barrières et des frontières imaginaires et surtout nuisibles entre le secteur public et celui libéral », conclut ce chirurgien cancérologue.


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