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Les chants guerriers, l'autre bataille qui fait rage au Yémen


Libé
Jeudi 8 Avril 2021

"Marib est pour nous, pas pour vous, hypocrites!": dans le conflit qui ravage le Yémen, les belligérants usent de tousles moyens, y compris celui du "Zamil", un chant guerrier bref et percutant hérité d'un vieille tradition tribale.

Cette guerre des mots ponctue les combats qui durent depuis plus de six ans entre les rebelles Houthis -- soutenus par l'Iran et au pouvoir dans une majeure partie du Nord, notamment la capitale Sanaa --, et les forces du gouvernement,repliées au Sud et appuyées par l'Arabie saoudite. Les "Zawamil" (pluriel de "Zamil"), poèmes chantés ne dépassant pas deux vers,sont très écoutés dansl'ensemble du pays etservent à soutenirle moral destroupestout en sabotant celui de l'adversaire. Ilsse sont multipliés avec l'intensification, ces dernières semaines, des combats autour de Marib, dernier bastion du gouvernement dans le Nord que les rebelles cherchent à arracher. Ils sont épaulés pour cela parEissa al-Leith, le plus célèbre faiseur de "Zawamil". "Marib est pour nous, pas pour vous, hypocrites, qui avez vendu votre religion et votre nation pour des riyals (saoudiens)!", dit un "zamil", produit et diffusé en boucle par les rebelles.

Pour motiver les combattants, les hymnes guerrierssont diffusés en continu à la télévision et sur les stations de radio locales. Des millions de Yéménites les ont aussi écoutés sur le site de partage de vidéos YouTube et la plate-forme de distribution audio SoundCloud. Ces chants sont régulièrement interprétés lors desréunionstribales où les hommes parlent politique en mâchant des feuilles euphorisantes de Qat, mais aussi pendant les mariages. Selon Ahmed al-Arami, directeur exécutif du Centre d'études Arabia Felix, les "Zawamil" sont "la seule forme de musique que les Houthis autorisent". Issus de la minorité desZaïdites, une branche du chiisme, les rebelles se sontrapprochésidéologiquement de l'Iran, partageant la même hostilité à l'égard des Etats-Unis et d'Israël. Dansles zones qu'ils contrôlent, ils appliquent des règles sociales strictes en matière d'habillement, de ségrégation des sexes et de divertissement. "Cette forme d'art est dans une large mesure similaire dans son rôle etson objectif aux hymnesfougueux des groupes jihadistes et islamistes en général, tels que le Hezbollah, Al-Qaïda et le Hamas", explique Ahmed al-Arami à l'AFP. Les rebelles utilisent dans ces chants "destermes du discours(politique) sur lesquels les masses s'accordent, comme la question palestinienne, pour faire croire aux combattants qu'ilsse battent pour la mosquée Al-Aqsa et pas seulement pour Marib", poursuit le chercheur.

L'hymne "Marib est pour nous". promet aussi la "libération d'Al-Aqsa de l'occupation" et la "victoire à Al Qods", territoire occupé parl'armée israélienne depuis 1967. "Qui d'autre que l'Amérique a soutenu lesfrappes sur les maisons?", fustigent les rebelles dans un hymne intitulé "L'Amérique tête de serpent". Les forces progouvernementales s'en prennent également aux Houthis avec leur "Zawamil", mais, selon M. Arami, sans égaler la virulence et la sophistication de leurs adversaires. Dansleur hymne, "Les hommes libres de Marib", datant de fin 2020, elles affirment que l'armée yéménite "va donner une leçon aux petits-enfants de Khomeini", en référence au père de la révolution iranienne. Les forces progouvernementales ont également recours à une autre forme de chant connue sousle nom de "Cheila", poésie lyrique populaire dans le sud de l'Arabie saoudite et dans d'autres pays du Golfe, similaire au "Zamil" parsesrythmes rapides. Plusieurs compositeurs et chanteurs de Sanaa, la capitale aux mains des Houthis, ont refusé de parler à l'AFP de leur "Zawamil" mais la chaîne Al-Masirah, détenue par les rebelles, les a qualifiés d'élément majeur de la "guerre" contre le gouvernement. "Un millier de Beethoven n'ont pas pu inventer (le "Zamil"), dont les paroles sont des sonnets que mille Shakespeare n'ont pas pu composer", s'est vantée Al-Masirah avant de conclure que le "Zamil (était) une arme intercontinentale".

 


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