Les bienfaits de la propriété intellectuelle en temps de pandémie


Chady Chaabi
Mardi 14 Septembre 2021

Pour les artistes, les rétributions sur les droits d’auteur ont été d’une valeur inestimable

A l’heure de Covid-19, les houleux débats alimentés par la levée des brevets sur les vaccins ont tellement diabolisé la propriété intellectuelle qu’ils ont fini par éclipser son rôle salvateur. Et ce n’est certainement pas les artistes qui diront le contraire. “Heureusement que les droits d’auteur ont permis d’alléger la gravité de la situation financière des comédiens. Depuis plusieurs mois, à chaque rediffusion d’une série ou d’un téléfilm, les acteurs et réalisateurs concernés reçoivent une rétribution financière”, nous a révélé Ghadfi Mahmoud Oussama.

S’il ne cache pas qu'il a éprouvé énormément de mal à joindre les deux bouts lors des premiers mois de la crise sanitaire, le comédien, apparu dans El Fad TV notamment, triple lauréat du prix de la meilleure interprétation, avoue que les rétributions sur les droits d’auteur qu’il percevait ont été d’une valeur inestimable. Une bouée de sauvetage incarnée par le Bureau marocain du droit d’auteur (BMDA) et rendue possible par l’adoption en Conseil de gouvernement en novembre 2019, du projet de loi sur la transformation du Bureau marocain des droits d’auteur (BMDA).

Un timing parfait. Quelques mois seulement avant que le nouveau coronavirus ne fasse trembler le monde entier, laissant sur le carreau l’industrie culturelle. D’où l’intervention du ministère de la Culture. D’après le BMDA, ce dernier lui a donné ses instructions pour une distribution urgente et exceptionnelle “de toutes les répartitions restantes programmées pour l’exercice 2020 : ils’agit des perceptions de l’année 2019 des droits d'auteur et de la rémunération pour copie privée, au profit des auteurs et créateurs adhérents au BMDA, pour les trois catégories : lyrique, dramatique et littéraire, et ce à partir du 15 juin 2020”.

Le BMDA est donc l’un des deux Offices nationaux en charge de la propriété intellectuelle. Le second étant l’OMPIC (Office marocain de la propriété industrielle et commerciale), réservé aux titres de propriété industrielle, tels que les brevets, marques, dessins, modèles et autres registre du commerce. Car pour l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique sont indissociables. D’ailleurs, l’OMPI définit la propriété intellectuelle comme “les œuvres de l’esprit, notion qui recouvre non seulement les œuvres d’art et les inventions, mais aussi les programmes informatiques et les marques et autres signes commerciaux”.

Etant l’un des signataires de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, le Royaume se devait de posséder une législation ad hoc pour protéger les droits de ses artistes, notamment en matière d’exploitation des œuvres sur Internet. D’ailleurs, le texte a porté sur la transformation du BMDA en instance de gestion collective de droit public. L’organisme prend de fait en charge la collecte et la distribution des droits générés par les créations artistiques.

En clair, l’adhésion des créateurs à cet organisme revient à déléguer au BMDA la prise en charge de la défense de leurs intérêts, comme prévu par l’article 4 de ce projet de loi. Mais comment sont calculés ces droits ? Tout simplement sur la base des recettes d’exploitation des œuvres, mais encore,sur la base de montants forfaitaires définis par une grille tarifaire fixée par l’instance. Le texte de loi a eu un autre effet positif. A savoir la réduction des délais pour transférer aux artistes les revenus liés à leurs créations qui étaient interminables par le passé.

Aujourd’hui, le Bureau marocain des droits d’auteur et des droits annexes n’a d’autres choix que de verser les montants dus aux artistes dans un délai ne dépassant pas deux mois, à partir de la fin de l’année financière durant laquelle les revenus ont été collectés. Et si certains montants n’ont pu être transférés aux créateurs, le BMDA les dépose dans un compte bancaire spécifique. Au-delà de trois ans, cette manne financière non réclamée est transférée aux fonds de couverture sociale. Certes, une part des montants dus aux artistes ne dépassant pas les 30% est prélevée parle BMDA au titre de dépenses de gestion. Mais cette ponction est somme toute méritée tant les services rendus par cet organisme sont légion, même s'ils ne sont pas tous effectifs.

On peut citer, en exemple, le système de protection sociale et la mise en place de conventions avec des instances publiques et privées dans le domaine de l’assurance maladie et des retraites. Quand bien même le Bureau marocain des droits d’auteur et des droits annexes ne tourne pas encore à plein régime, il est d’une importance capitale pour un secteur où la main-d'œuvre ne sait pas toujours de quoi demain sera fait. Et même si les revenus du BMDA ont explosé en 2018 (+600%), des actions de sensibilisation et d’informations destinées aux artistes ne seraient pas superflus. 


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