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Les ambitions de la Turquie et le monde arabe


ADNAN DEBBARH
Vendredi 7 Octobre 2011

L'accueil enthousiaste réservé au Premier ministre turc  par certains  pays arabes qu'il a visités récemment était tout simplement inimaginable il y a encore quelques années, sachant  combien la Turquie s'était éloignée de cette région. Doit-on y voir les fruits du « coup de gueule » d’Erdogan à Davos contre Shimon Perez, de  l'attitude « ferme »  à l'égard d'Israël  après l'attaque de la flottille se dirigeant à Gaza, du soutien turc au Printemps arabe ? La Turquie va-t-elle tourner le dos à l'Occident pour devenir la championne d'un monde arabe et islamique en quête d'un leader ? Certains de nos frères arabes, aux convictions démocratiques récentes, croient-ils  déjà détenir leur nouveau Saladin en la personne charismatique d’Erdogan ?
 La réponse à ces questions requiert de notre part une lecture approfondie et sereine de l'actuelle doctrine de la politique étrangère turque dans sa globalité, pour ensuite dégager quelques pistes pour le monde arabe. Cela est d'autant plus aisé que le concepteur de cette « nouvelle » doctrine occupe le poste de ministre des Affaires étrangères : Ahmet Davutoglu.
Ahmet Davutoglu  en lecteur de Carl von Clausewitz qu'il est, opère la distinction entre stratégie et tactique. La stratégie étant l'objectif d'une politique étrangère et la tactique les moyens d'y arriver.
L'objectif à terme est de donner les moyens à la Turquie de devenir une « puissance mondiale ». Cette ambition se justifie, toujours selon Ahmet Davutoglu, par l'héritage turc de l'Empire ottoman, le passage réussi de la Turquie vers la modernité, par une position géostratégique de premier plan  entre l'Europe et l'Asie et une économie en développement qui devrait dépasser  l'Allemagne en 2050.
Comme la Turquie ne dispose pas d'une économie à la hauteur de ses ambitions, elle demeure une économie moyenne, ni d'une place de membre permanent au Conseil de sécurité, ni d'une force de frappe nucléaire, il appartient  à M. Davutoglu de trouver les moyens pour la  placer aux avant-postes de la scène internationale.
Le principal outil dont dispose la Turquie, toujours d'après Ahmet  Davotoglu, demeure ce qui est appelé en langage diplomatique  «  la politique d'influence culturelle », qui, en fait,  est l'utilisation intelligente du levier religieux. La Turquie pour accéder à la « puissance mondiale », doit prendre le leadership du monde musulman. Les nombreux écrits du ministre turc des Affaires étrangères attestent d'une connaissance fine de l'histoire du monde musulman et de sa « psychologie ».
Où est le monde arabe dans cette vision ?
La vision turque répugne à considérer le monde arabe comme nation, comme elle répugne à avoir à faire à tout nationalisme autre que le sien, elle préfère avantager la dimension religieuse. Le travail accompli par la diplomatie turque depuis l'avènement de l'AKP au pouvoir est tout à fait remarquable dans cette région: assainissement des différents avec les voisins, doctrine du « zéro problèmes » avec le voisinage, développement des relations économiques allant jusqu' à la  signature d'accords de libre-échange, multiplication des visites et manifestations culturelles, développement du tourisme.Toutefois l'approfondissement des  relations avec le monde arabe achoppait sur les excellents rapports  qu'entretient  la Turquie avec Israël, auxquels le  puissant allié américain des deux pays tient dur comme fer.
La diplomatie turque au début a essayé de contourner cet écueil en proposant sa médiation entre Israël et la Syrie, sans succès, puis par la suite en mettant en exergue certaines sorties médiatiques de son charismatique Premier ministre.
Ce rééquilibrage est aussi un moyen de pression sur Israël qui tente d'exclure la Turquie des découvertes récentes  de gaz en  Méditerranée orientale.
Bref il faut lire l'offensive de charme de la Turquie en direction du monde arabe comme un élément d'une stratégie plus globale d'un pays souhaitant jouer un rôle plus important sur l'échiquier international. A défaut de se poser la question des moyens économiques et militaires de cette ambition, légitime de surcroît.
On peut se poser, en observateur, quelques questions qui brouillent notre perception.
De quel ordre est l'alliance de la Turquie avec les Etats-Unis d'Amérique? Le souhait d'intégrer l'UE ne participe-t-il pas d'un sentiment que finalement la Turquie se sent  plus européenne qu'asiatique ?
 Question finale et collatérale : les pays arabes ne sont-ils pas lassés de cette quête d'un leader ?


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