En cette matinée du mardi 31 août, il y a foule à l’entrée du lycée Ibn Toumert de Casablanca. A un peu plus d’une semaine de la rentrée scolaire, le lancement de la campagne de vaccination des 12-17 ans n’a, de toute évidence, pas laissé insensibles les parents d'élèves. Mais une fois les portes du lycée franchies, le désordre à l'extérieur a laissé place nette à une organisation parfaitement orchestrée, menée conjointement par le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Santé, avec pour principaux bras armés, des membres du corps médical et de l’enseignement public. La prise en charge des élèves et leurs parents ou tuteurs est immédiate. Après avoir bouclé les démarches administratives, les enfants et adolescents n’ont d’autre choix que de patienter et d’attendre leur tour avant de retrousser la manche. Il était d’ailleurs assez insolite de voir des papas et des mamans partageant avec leurs enfants des tables doubles, empruntées aux classes de cours pour l’occasion. Une drôle de situation, qui n’a en réalité amusé personne. Etrangement, l’atmosphère était lourde et pesante. Le temps maussade qui couvrait la capitale économique n’y était pour rien, contrairement à l’enjeu de cette campagne. Au même titre que les 418 autres vaccinodromes installés dans différents lycées aux quatre coins du Royaume, celui d’Ibn Toumart est la promesse d’une rentrée scolaire “sûre et sécurisée”, comme l’a récemment martelé le ministère de la Santé dans un communiqué annonçant le lancement d’une campagne de vaccination non obligatoire, qui cible près de 3 millions d’élèves, avec l’accord de leurs parents ou tuteurs. Ces derniers avaient également le choix entre deux vaccins, Sinopharm et Pfizer. “Je suis venu spécialement au lycée Ibn Toumert, avec mes deux fils, âgés de 13 et 14 ans, pour qu’ils soient vaccinés avec Pfizer. A la fois pour son efficacité mais aussi afin de pouvoir voyager hors du Maroc”, nous explique El Alami Kamali. Vous l’aurez certainement compris, les portes de l’ensemble des vaccinodromes installées dans les lycées sont ouvertes à tous, sans distinction, pour peu que vous ayez des enfants scolarisés. Mais alors que dans certains, on pique les enfants avec le sérum chinois Sinopharm, d’autres usent du vaccin Pfizer. La raison est à chercher du côté de la chaîne de froid, indispensable pour conserver les vaccins américains à -70° et impossible à installer dans quelques lycées. Sauf que voilà, même avec Pfizer, le regard des enfants ne trahit pas vraiment la sérénité. Dans les coursives du lycée Ibn Toumert, on croise Achraf Benmousa (16 ans) et Bahia Tayoubi. S’ils sont déterminés à se faire vacciner “pour nous protéger et protéger nos parents”, nous expliquent-ils, plusieurs enfants et adolescents ont l’air d'être moins convaincus. A voir l’inquiétude dans leur regard au moment de la piquouze, il y avait un peu l’impression que les parents leur avaient forcé la main. Des parents qui n’étaient pas imperturbables non plus. Qui plus est quand une adolescente, la quinzaine, s’est évanouie quelques secondes après avoir été vaccinée. Heureusement, elle avait repris ses esprits quelques minutes plus tard. Un soulagement pour bon nombre de parents. Car c’est une chose de se faire vacciner. C’en est une autre de vacciner son enfant. Il y a comme l’impression d’un risque plus élevé. Une impression qui prend du poids et de l’ampleur auprès de parents échaudés par le manque d’efficacité des vaccins. Ils sont légion dans ce cas. Mais quand bien même ils sont contre l’idée de faire vacciner leurs enfants, ils sont conscients de ne pas avoir le choix, même si la vaccination n’est pas obligatoire. L’obligation de disposer d’un pass sanitaire pour accéder aux salles de cours est loin d'être une hypothèse saugrenue. Elle pourrait même s'apparenter à une prémonition et donc à une obligation déguisée. Mais le danger que fait planer la Covid-19 au-dessus de la santé des enfants, est plus fort que toutes ces considérations. En partant du principe que le variant Delta est fortement contagieux, le virus circule intensément chez les enfants et les adolescents, sans pour autant résulter sur des formes graves de la maladie, comme au Royaume-Uni, où il s’est principalement diffusé à partir des enfants. Pour preuve, en Grande-Bretagne, plus d’un million d’élèves ont été absents au cours du dernier mois d’école. De l’autre côté de l’Atlantique, la situation n’est pas meilleure. Aux Etats-Unis, 121.000 cas d’enfants et d’adolescents ont été rapportés la semaine dernière, alors qu’en France, les clusters se sont multipliés de façon alarmante dans les centres aérés et les colonies de vacances. Mais comme précité, le variant Delta n’est pas plus dangereux pour les enfants qu’un autre variant. Sauf que sa contagiosité peut contribuer à la propagation de l’épidémie si le virus circule activement dans les établissements scolaires. D’où l'intérêt de la campagne de vaccination dédiée aux 12-17 ans. Une campagne dont la rentrée scolaire ne sifflera pas la fin. Il reste encore une deuxième dose à injecter aux élèves marocains. Les tables doubles n’ont pas fini d'être trimbalées au lycée Ibn Toumert de Casablanca comme ailleurs dans le Royaume.