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Le val d'Ifrane, un site biologique et écologique menacé


MOHAMMED DRIHEM
Mardi 18 Août 2009

Le val d'Ifrane, un site biologique et écologique menacé
La ville d'Ifrane connaît en ces jours d'été une affluence touristique importante avec des milliers d'estivants nationaux et étrangers qui ont opté pour cette destination comme station de vacances et de villégiature pour y vivre au vert, ne serait-ce que le temps d'un week-end dans les différents sites touristiques verdoyants que compte ce carrefour floristique d'une diversité et d'une complexité incontestables dont dispose Maroc en général et la montagne marocaine en particulier loin du stress des grandes agglomérations et des métropoles.
En effet, de par ses conditions climatiques et écologiques et sa position entre la flore européenne, saharienne et macaronésienne, le Maroc est connu pour la richesse de sa diversité biologique, de ses écosystèmes, et surtout, pour ses zones humides qui enregistrent chaque année un flux considérable de visiteurs aussi bien nationaux qu'étrangers. Des zones menacées, de plus en plus, par la surfréquentation qui porte atteinte à l'environnement naturel.
Parmi ces zones humides les plus menacées, qui incitent à la réflexion et la mobilisation de tous les amoureux de la nature, on peut citer le val d'Ifrane que traverse Oued Tizguite qui, à lui seul, exprime très bien la richesse naturelle.
Cette zone, des plus recherchées au Royaume, enregistre près de 150.100 visiteurs par an avec des taux de fréquentation variant entre 103.569 visiteurs en été 2003 et près de 10.506 visiteurs au printemps 2004, en passant par 34.523 visiteurs au mois de septembre de l'automne 2003 et un peu moins de 1.500 visiteurs en hiver 2004.
Le val d'Ifrane bien connu pour avoir abrité sa belle cascade des vierges et celle du val, son beau site de la Source Vittel, sa verdoyante prairie du centre-ville et son mémorable lac aux foulques à crêtes et son île d'amour, entre autres, exprime bien la richesse de la zone.
En effet, en plus des espèces forestières principales qui couvrent son bassin versant et qui sont constituées essentiellement de cèdre,  chêne vert, genévrier oxycèdre, pin maritime et du cyprès de l'Arizona, le val d'Ifrane est probablement le site où existe la plus belle formation de frêne (Fraxinus angustifolia) du Maroc.
C'est aussi un val traversé par Oued Tizguite, qui est l'un des cours d'eau où la végétation est la plus variée avec plus d'une trentaine d'espèces jusque-là répertoriées (voir liste ci-après).
De même, plusieurs espèces de vertébrés rares ou localisés au Maroc ont été signalées dans le cours d'eau d'Oued Tizguite comme la loutre, la truite Fario, le goujon, l'écrevisse à pieds rouges en voie de disparition, la cistude, le natrix natrix, le cincle et la bergeronnette des ruisseaux.
Le plan d'eau artificiel d'Ifrane situé au cœur du val, juste à la sortie de la cité vers la ville de Fès, a permis l'installation de la foulque à crête ainsi qu'une colonie de hérons garde-bœuf.
Soumis à un dérangement permanent, ce beau lac abrite en hiver quelque 200 oiseaux avec surtout du canard colvert et des dizaines de souchets et de foulques macroule et foulques à crête.
Oued Tizguite est un cours d'eau classé par arrêté annuel de pêche comme eau classée à salmonidés depuis les sources au pont en bois de Sidi Brahim. Le tronçon des sources jusqu'à la passerelle au niveau de la source Vittel est considéré comme réserve permanente, tandis que le reste de l'oued est ouvert à la pêche.
Le cheptel ichtyo faune de ce cours d'eau est constitué essentiellement du Fario Trutta, Barbus nasus, Corhynchus mykiss, Barbus callensis, Astacus astacus et Scadinis erytrophtalmus. Ce cheptel, selon les spécialistes, représente l'un des meilleurs bio-indicateurs de la pollution et permet une valorisation durable de cet écosystème par la pratique rationnelle de la pêche sportive. A propos de ce sport qui est une activité qui se pratique à la ligne dans certaines rivières et pièces d'eau, il concerne essentiellement des espèces nobles très recherchées par les pêcheurs telles que la truite, le brochet, le black-bass, la perche et le sandre.
Ce sport malheureusement est en régression dans le val d'Ifrane comme l’évoque le faible effectif des pêcheurs rencontrés ainsi que le nombre et la faible taille des pièces de poissons pris. Cet état est dû à plusieurs facteurs qui ont fortement contribué à la dégradation des biotopes de cet écosystème.
En effet, selon une étude réalisée tout récemment, on compte pas plus d'une centaine de pêcheurs aujourd'hui dans le val d'Ifrane durant la saison de la pêche alors que le fascicule d'aménagement de ce cours d'eau témoigne, à titre d'indication, de 700 pêcheurs ayant capturé 3.500 truites uniquement le jour de son ouverture à la pêche au titre de l'an 1956.
Ceci dit, il y a lieu de signaler à tout ce beau monde, qui se trouve dans la ville d'Ifrane et qui va par milliers par jour sur le val d'Ifrane pour une cure d'oxygène et une bonne détente à l'ombre bienfaisante de ses frondaisons, que le site n'est pas seulement la fameuse source Vittel ou la cascade, si connue, des vierges, mais aussi et surtout l'un des plus précieux écosystèmes humides d'Ifrane et du Moyen Atlas très surveillé jusqu'à la fin du siècle passé parce qu'il abritait des plantes, des insectes et des animaux uniques, remarquables, pour la plupart endémiques au Maroc et qui mérite notre protection et notre attention pour le préserver contre toute dégradation.
A cette occasion, nous lançons un appel solennel à toutes les bonnes consciences pour dire que le val d'Ifrane est très menacé et qu'avec de simples gestes de civisme et de bonne conduite, nous arriverons ensemble à sauver ce qui reste de si beau à préserver. Dans cette optique, nous avons jugé bon de prescrire quelques règles de conduite à respecter :
- n'introduisez pas votre véhicule au plus profond de la forêt et des prairies du val située entre Vittel et la Zaouia de Sidi Abdeslam;
- ne lavez pas avec des lessives non dégradables dans les eaux souillées de l'Oued Tizguite;
- si vous avez des tapis, ne les apportez pas pour les nettoyer sur place, dans le cours d'eau de Tizguite comme il est de tradition en ce début du XXIe siècle qui a laissé tomber l'arrêté municipal de jadis interdisant une telle pratique;
- si vous avez un mouton à engraisser, il ne sera plus de la fête et il ne pourra plus jamais tondre les alentours, car cette autre tradition des années 2000 interdite par ledit arrêté municipal d'antan est exclue de nos jours encore grâce aux appels de détresse lancés en 2005 par l'Association des Amis du Val d'Ifrane par voie de presse entre autres moyens;
- apprenez à vos enfants de bonnes conduites telles que le fait de ne pas trop hurler pour ne pas troubler le silence de la nature, ne pas piétiner les fleurs et casser les branches, ne pas massacrer les oiseaux au lance-pierre;
- ne leur donnez pas un coup de main pour décapiter la dernière petite couleuvre innocente, pour piétiner “l'abominable” crapaud et en finir avec la création, au nom des vieux démons;
- ne vous vautrez pas en nombre sur l'herbe tendre et évitez les joyeuses parties de ballon qui transforment, peu à peu, le sol en terre galvanisée ! Tout cela au son tonitruant de votre auto-radio, afin de couvrir le futile chant des oiseaux, de faire avorter la couvée;
- n'abandonnez pas vos déchets, vos papiers gras, vos emballages divers dans les prairies, sur les rives et dans l'eau de l'oued ! N'oublierez pas aussi de ramasser ce “petit plus” que représente la couche de votre enfant, voire la serviette hygiénique.
- n'acceptez pas une promenade à cheval en file indienne à même dans les prairies du val, cela fera plaisir aux nombreux gamins qui vous la proposent, mais les pelouses, les sentiers et leurs bermes n'en seront que mieux compactés si vous l'acceptiez.


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