Le théâtre, terre d’asile de Rami, réfugié syrien à Strasbourg


Jeudi 14 Mars 2019

“Ma passion, c’est le théâtre. C’est ça ou rien !”: après avoir fui son pays en guerre, Rami Rkab, réfugié syrien de 31 ans, a trouvé la paix en Alsace, dans l’est de la France, et rêve d’intégrer l’école du Théâtre national de Strasbourg (TNS).
A la terrasse du café du TNS, ce Damascène à l’épaisse crinière brune égrène les souvenirs de ses années syriennes en sirotant une bière: ses cours de théâtre à Damas, où il jouait en amateur; ses études de journalisme; et dans le sillage du printemps arabe, les manifestations qu’il organise contre Bachar al-Assad, d’abord dans la capitale syrienne, puis à Soueïda (sud), où il résidait avant son exil.
Mais le président syrien est resté, l’organisation Etat islamique est arrivée et le pays s’est enfoncé dans le chaos.
Déjà, avant la guerre, “j’avais envie de venir en France”, explique Rami, dont le destin a basculé le soir du 20 octobre 2014. Un officier, ami de la famille, “est venu dire à mes parents que je devais partir”, explique le trentenaire: ses activités antirégime lui ont déjà valu deux arrestations et une nouvelle interpellation est imminente.
“Le lendemain, j’étais en route pour le Liban”, se souvient Rami qui, dans son départ précipité, n’emportera qu’un seul souvenir: une photo de ses parents, désormais posée sur une étagère de son appartement strasbourgeois, dans le quartier populaire de Hautepierre.
Sa femme, dont il est à présent séparé, et leur fils Zaïd, aujourd’hui âgé de 5 ans, l’ont rejoint plus tard au Liban. Visas en poche, ils se sont envolés en juillet 2015 vers la France où ils ont obtenu le statut de réfugiés. Leur titre de séjour, renouvelable, est valable jusqu’en 2026.
Ils sont arrivés “un peu par hasard” à Strasbourg. “Une très bonne chose”, analyse-t-il rétrospectivement: après des années de guerre, “c’est bien (d’être) dans une ville calme”.
Les premiers temps d’exil sont difficiles, il faut repartir “à zéro” et surtout, apprendre le français, une langue “difficile” qu’il ne parlait pas mais qu’il maîtrise désormais très bien.
En 2016, Rami, qui brûle de remonter sur les planches, décroche un job à l’accueil du Maillon, un théâtre de Strasbourg. “C’est là que j’ai commencé à faire mon réseau dans le théâtre” strasbourgeois, explique-t-il.
Il entend alors parler de “1er Acte”, un programme annuel porté par le prestigieux Théâtre national de Strasbourg, unique scène nationale en région, et destiné aux jeunes comédiens qui ont subi des discriminations (origine sociale, sexualité, handicap...).
Rami passe l’audition... et décroche une place dans la promotion 2018.
Au menu: des ateliers avec de prestigieux metteurs en scène (Stanislas Nordey, Olivier Py, Stéphane Braunschweig...), des séances de travail à Avignon, Grenoble, Strasbourg et, à partir de lundi prochain, à Paris, au Théâtre de l’Odéon pour une session consacrée au dramaturge russe Anton Tchekhov.
Un auteur que Rami apprécie, même s’il se sent plus porté vers Shakespeare, Molière et, surtout, les auteurs contemporains, à l’image du dramaturge Wajdi Mouawad.
“Rami est une exception”, explique à l’AFP Thomas Werlé, qui encadre “1er Acte”. Normalement, le programme est réservé aux jeunes de 18 à 26 ans. Rami était donc trop âgé mais “il nous a écrit une lettre dans laquelle il expliquait que les années de guerre lui avaient été volées et qu’il estimait donc avoir 26 ans”.
Parallèlement, Rami Rkab passe en ce moment le concours d’entrée de l’Ecole supérieure d’art dramatique du TNS, dont il vient de réussir la première épreuve. Encore deux à passer, en avril et juin, pour décrocher le Graal.
“Je me suis juré d’être sur cette scène”, dit-il en parlant de la grande salle Koltès du TNS.
“Le théâtre, c’est ma passion, la seule chose que j’aime faire et que je veux faire! Je ne sais rien faire d’autre...”


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