Le tableau désespérément noir de l’ enseignement

Absence d’évaluation des modèles pédagogiques, débrayages récurrents des cadres éducatifs, inégalité des chances entre le privé et le public, inadéquation entre les manuels et le temps scolaire...


Hassan Bentaleb
Mardi 13 Avril 2021

Absence d’évaluation des modèles pédagogiques, débrayages récurrents des cadres éducatifs, inégalité des chances entre l’enseignement privé et public, inadéquation entre les manuels et le temps scolaire … Tels sont les traits saillants de l’année scolaire en cours, selon la Fédération nationale des associations des parents d’élèves au Maroc (FNAPEM). D’après cette dernière, il faut une intervention d’urgence pour sauver l’année en cours. En effet, la FNAPEM a constaté dans un communiqué publié le 11 avril courant,suite à la réunion de son conseil national, l'absence d'évaluation des modèles pédagogiques adoptés au cours de la première partie de l’année scolaire 2020/2021 alors que le ministère de l’Education nationale a misé sur ces modèles pour gérer le reste de l’année scolaire. Il y a également l’absence, à la fois, de la mise en œuvre et l’actualisation des référentiels, notamment en ce qui concerne les examens des niveaux de certification. «Il s’agit des correspondances envoyées à l’ensemble des établissements scolaires pour fixer les critères à prendre en compte dans la préparation des examens. Cette année, rien n’a été fait et même le soi-disant rapport d’évaluation n’a pas été publié», nous a indiqué Ali Fannach, vice-président de la Fédération nationale des associations des parents d'élèves au Maroc, chargé de la communication et de la médiatisation. La FNAPEM a également observé la recrudescence des sentiments de frustration et de colère chez les parents d’élèves à cause des grèves des cadres éducatifs. «Nous recevons de plus en plus de plaintes dans ce sens estimant que ces grèves ne constituent que des pertes du temps scolaire de leurs enfants», nous a confié le président de la FNAPEM. Et d’ajouter : «La grève ouverte menée par les cadres administratifs porte également atteinte aux intérêts des apprentis notamment au niveau du système Massar ». Sur un autre registre, la FNAPEM a constaté que la gestion actuelle de l’école nationale a conduit au creusement des inégalités des chances entre l'enseignement public et privé en ce qui concerne les méthodes d'apprentissage.«Les restrictions sanitaires ont imposé aux établissements scolaires des contraintes importantes et seules les écoles privées sont parvenues à proposer un mode d’enseignement plus adapté aux élèves», a précisé Ali Fannach. Le ministère de l’Education nationale est accusé également de ne pas avoir une vision claire et globale en ce qui concerne le reste de l’année scolaire et les cours. Idem pour des questions importantes telles que les cours de soutien, la prolongation de la saison scolaire ou l’interruption des cours. «Nous avançons sans fixer de direction et nous prétendons en plus que l’année scolaire en cours est normale. Mais, c’est faut, il y a une grande perte de temps scolaire », a souligné le président de la FNAPEM. Et de poursuivre : «Le hic, c’est que ni le gouvernement ni le ministère de tutelle ni le Parlement n’ont jugé utile d’intervenir pour redresser la barre». Pour sauver ce qui reste de l’année scolaire, la Fédération propose d’accélérer l’adaptation et l’actualisation des cadres de référentiels relatifs aux examens de certification, de mettre en place un programme de soutien scolaire et de lui allouer un budget conséquent vu les circonstances exceptionnelles que vit notre pays et d’annoncer les dates des examens de certification. Elle demande également de placer l’intérêt de l’élève au-dessus de toute considération et d’ouvrir des voies de dialogue avec les cadres éducatifs afin de réduire la perte du temps scolaire. «Il est encore temps pour intervenir en vue de sauver l'année scolaire en cours. Il faut seulement imaginer un plan clair et précis afin de corriger les erreurs et de rattraper les retards», nous a déclaré Ali Fannach. Et de conclure :«Il faut considérer le dossier de l’enseignement comme l’une de nos priorités, comme l’un des secteurs vitaux qu’il faut sauver d’urgence. Il faut une intervention forte de la part du gouvernement». 

​Bon à savoir

Les dernières estimations de l’indice de capital humain font état d’une augmentation de 5 % en moyenne des performances entre 2010 et 2020 à l’échelle mondiale. Pour le Maroc, cette progression atteint même 6 %, à la faveur principalement des avancées réalisées dans l’éducation (voir figure). Les résultats obtenus sur le plan des apprentissages constituent un facteur essentiel du capital humain et l’un des meilleurs indicateurs pour prédire les trajectoires de croissance durable et de réduction de la pauvreté d’un pays. La progression du Maroc est donc encourageante, même si d’importants défis persistent sur le plan de la qualité de l’éducation, de l’équité et de la gestion globale du secteur. Avant même la crise sanitaire, le Maroc peinait à maintenir le cap en direction du 4e Objectif de Développement Durable (ODD): assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. En 2019, 66 % des enfants marocains âgés de 10 ans n’étaient pas capables de lire et comprendre un texte simple, soit un pourcentage inférieur de 2,5 points à la moyenne régionale du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et de 10,7 points à la moyenne des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Un an plus tôt, en 2018, les années de scolarité des élèves marocains corrigées en fonction des acquis étaient estimées à 6,2 années. Autrement dit, en procédant à un ajustement du nombre d’années effectives de scolarisation par rapport au volume des acquis, on constate que la durée effective de la scolarité au Maroc était en moyenne inférieure de 4,4 ans au nombre d’années réelles. Ces chiffres reflètent la crise des apprentissages que traverse le pays, tout comme plusieurs autres pays dans le monde, et l’urgence de résorber les lacunes du système éducatif, afin d’équiper chaque élève des compétences fondamentales nécessaires pour s’insérer à l’âge adulte dans la société et l’économie marocaines. Le gouvernements’est engagé à mener des réformes dans ce sens, dans le cadre de sa Vision stratégique pour l’éducation 2015-2030. Pour s’attaquer à la complexité des réformes à engager, le Maroc a par ailleurs adopté en 2019 la loi-cadre 51.17 dans laquelle l’apprentissage occupe une place centrale et qui prend en compte à la fois les causes immédiates et plus profondes de la crise des apprentissages. Un prêt de 500 millions de dollars de la Banque mondiale (le programme d’appui au secteur de l’éducation au Maroc) vient accompagner les efforts des autorités en s’attachant plus particulièrement à améliorer les acquis scolaires et la gouvernance du secteur. Mais la crise du coronavirus menace aujourd’hui de fragiliser les avancées du Maroc en matière d’éducation. Les mesures de confinement, qui ont notamment conduit à la fermeture des établissements scolaires, ont entraîné la perte d’au moins trois mois d’apprentissage chez environ 900 000 enfants d’âge préscolaire, huit millions d’élèves du primaire et du secondaire, et un million d’étudiants du supérieur.
Source : Maroc : Pour un système éducatif performant au sortir de la Covid-19, Banque mondiale, 27 octobre 2020


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