Le streaming musical renforce la précarité de certains artistes


C.E
Lundi 7 Février 2022

Le marché numérique de la musique a connu une croissance rapide et soutenue. Au 1er semestre 2021, 487 millions de personnes étaient abonnées à un service de musique en ligne dans le monde. Soit plus de 87 millions de nouveaux abonnés supplémentaires depuis 2020. A la lumière de ces chiffres, on pourrait croire que les artistes ont décroché le jackpot. Mais la réalité est tout autre.

«Avec les plates-formes musicales comme Spotify, Deezer ou Apple Music, les artistes déjà riches deviennent encore plus riches, les pauvres encore plus pauvres et ceux qui étaient dans la moyenne ne s’en sortent plus», s’est insurgée Suzanne Combo, déléguée générale de la Guilde des artistes de la musique (GAM), sur le site web du journal “Le Monde”.

A l’évidence, l’engouement pour le streaming musical n’a pas que du bon. Et pour cause, si cet enthousiasme a permis à une industrie musicale vacillante de se remettre à l’endroit, il s’est malheureusement imposé au prix d’une inégalité croissante. D’un côté, il y a une poignée d’artistes qui s’en sortent par la grande porte financièrement. Et de l'autre, une majorité dont les revenus perçus à travers le streaming sont plus que dérisoires.

La précarité de ces derniers est à mettre sur le dos d’un système de rémunération rigide et injuste. Système qui ne rémunère correctement que les artistes les plus écoutés. Si l’on en croit la campagne “Pay Performers” lancée en septembre et financée par Aepo Artis, l’association européenne des sociétés de gestion des artistes interprètes, 90% reçoivent moins de 1.000 euros par an, même si leurs titres sont streamés jusqu’à 100.000 fois. Et 1% des artistes perçoivent un smic grâce aux streams, complète Aepo Artis. 

Ce déséquilibre a été corroboré par plusieurs études internationales. La première souligne que sur 1,6 million d’artistes dont la musique a été mise à disposition sur les plates-formes en 2019, 1% a capté 90% des écoutes globales selon la société d’analyse américaine Alpha Data Music. La seconde indique que sur ce 1% d’élus, 10% ont concentré 99,4% des écoutes. Enfin, la troisième étude évoque les 1,44 million d’artistes dont la musique est présente sur Spotify, Apple Music ou Deezer, mais qui ne représente que 0,6% des écoutes globales.

Bref, le système de streaming n’est pas égalitaire pour un sou. En conséquence, une fronde s’est organisée. Comme en atteste la pétition «Justice at Spotify», lancée aux Etats-Unis par “The Union of Musicians and Allied Workers”, le syndicat de musiciens. DJ et producteurs y ont également apposé leur signature. En vingt-quatre heures, pas moins de 5600 professionnels qui s’estiment «sous-payés, trompés et exploités» par la plate-forme présidée par Daniel Ek, ont paraphé la pétition. Leurs revendications? «Augmenter les royalties, assurer la transparence de ces pratiques et cesser de se battre contre les artistes».

«Je ne peux plus travailler. Le streaming a volé l’argent de mes CD. J’ai une famille dont je dois prendre soin et des biens hypothéqués. C’est la seule solution», a regretté le chanteur David Crosby, bientôt octogénaire. A l’instar de Bob Dylan, Crosby a décidé, la mort dans l'âme, de vendre son catalogue. Pour sa part, Bruno Crolot, directeur général France et Benelux de Spotify, a défendu farouchement le système de rémunération de l’entreprise «Spotify reverse 70% de ses revenus aux labels et aux éditeurs». Et de préciser : «A eux ensuite de les répartir aux artistes et aux ayants droit». Il conclut en estimant que «les contrats signés entre labels et artistes varient de 1 à 10 selon la notoriété de ces derniers». Pas sûr que ces justifications dégonflent la polémique mettant en scène les artistes les moins avantagés par le système de rémunération des plateformes de streaming musical.

C.E



Lu 1512 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.










services