Le retour des navets ramadaniens


Par Abdelilah Khattabi *
Samedi 5 Septembre 2009

Le retour des navets ramadaniens
C’en est trop ! On ne peut être plus insolent ! Que l’on arrête cette torture quotidienne que l’on nous inflige ! On a beau protester, rien n’y fait : ils récidivent avec une insolence sans égale. A l’approche de chaque Ramadan, les faiseurs de sitcoms et autres séries et programmes dits comiques font les bouchées doubles, c’est le cas de le dire, pour engloutir les deniers publics tels des chasseurs de primes. Ils se serrent les coudes ; se concertent pour se moquer éperdument des contribuables qui, déçus de plus en plus, émigrent vers d’autres cieux plus cléments. L’on ne cesse de nous tranquilliser nous promettant des productions meilleures à l’avenir ; du vent !
Les responsables irresponsables de ces méfaits se la coulent douce, ayant eu leurs parts du butin, baissent l’échine et laissent la vague passer. Ils  en ont l’habitude. Ce sont eux qui dictent la loi .Ils continuent à souffler le chaud et le froid. Eux ne font aucun cas de ce public, cette « plèbe qui ingurgite ce qu’on lui donne et qui finit par se taire malgré quelques protestations çà et là. L’on est en droit de se demander si vraiment ces gens qui tirent les ficelles de la chose télévisuelle sont vraiment si incultes au point de cautionner des navets pareils ! Assistent-ils à ce qu’ils nous infligent ? Ou bien ne daignent-ils pas jeter ne serait-ce qu’un coup d’œil à ces méfaits ? Il y a anguille sous roche ! J’ai l’intime conviction qu’ils sont trop occupés pour perdre leur temps si précieux à regarder ce qu’ils présentent aux citoyens. C’est comme les ministres qui imposaient l’arabisation au peuple et envoient leur progéniture à l’étranger ou les inscrivent dans des missions.
Pourquoi persistent-ils à vouloir nous faire déserter notre pays que l’on aime malgré eux ? Sommes-nous coupables quand nous voulons que notre production artistique soit compétitive et digne de nous, de notre patrimoine et des vents de renouveau qui soufflent dans notre paysage socioculturel ?
 Une seule soirée passée devant la télé à suivre les émissions censées être comiques pourrait mener à une dépression nerveuse chronique. L’on ne nous fait pas rire. Loin delà, l’on se moque effrontément de nous, communs des spectateurs.
Naciri récidive en commettant un autre navet encore plus insipide. Que veut-il nous dire ? Qu’il peut s’offrir miss Maroc, venir avec toute sa horde en limousine en arborant un rire insolent laissant découvrir sa dentition restaurée et se permettre d’administrer une fessée à son faire-valoir (le comédien souffre- douleur se laisse malmener par Naciri à tout bout de champ) ? Même les animaux subissent les caprices de cet humoriste : Ahrar est venue pleurer celui qu’elle chérit et ne cesse d’embrasser ; son mari est venu dire qu’il a agi par jalousie , qu’il ne l’a jetée que du troisième étage et qu’elle n’en est pas morte. Il sort une pauvre tortue  colorée d’un carton. Ah la belle trouvaille comique ! L’on n’avait rien à craindre ; il ne s’agissait pas d’un amant mais d’une tortue ! Ah ! La bienséance est sauvée !
Mais le mal est déjà fait. Les familles se réunissent attablées devant le téléviseur ; ne peut-on pas respecter cette ambiance familiale durant ce moi sacré ? En outre pourquoi torturer cette pauvre bête ? La défigurer à coup de couleurs ? Nous, nous sommes devenus presque masochistes à force de subir ces méfaits ramadaniens, le comédien qui a été corrigé par Naciri à coup de pantoufle dans le derrière est majeur et peut-être vacciné, mais pourquoi torturer cette tortue sans défense ? L’on prétend que la tortue a survécu à une chute du troisième étage. Qu’est-ce à dire ? Naciri transmet ce message : c’est une bête qui encaisse, maltraitez-la à volonté .Les enfants peuvent être tentés de jeter des tortues par différents étages pour voir de quel étage la chute pourrait être mortelle. Toutefois, il ne faut pas oublier que c’est une invention du tristement célèbre Naciri.
L’on ne peut qu’être indigné face à l’outrage du « gendre du hadj Azzouz ». Comment a-t-il poussé l’insolence jusqu’à introduire une fille inexpérimentée, qui ne sait quoi faire de ses mains tellement elle a le trac ? C’est miss Maroc qui plus est ! Je ne sais sous quels critères a-t-elle été couronnée ! A la voir l’on dirait qu’au Maroc, on souffre d’une laideur chronique. Notre pays, Dieu merci, foisonne de beautés. Cette prétendue miss a-t-elle concouru pour Miss monde ? Quelle place pourrait-elle occuper si elle osait se présenter devant des pointures universelles ? Je crois que l’on aurait  une place à peu près égale à celle qu’occupe notre pays dans l’échelle du développement, c'est-à-dire au-dessous de 126 ! Que diable est-elle venue faire dans cette galère ?
Sommes-nous condamnés à vivre  des échecs permanents ? C’est une défaite existentielle que nos irresponsables nous font subir. L’on est battus au foot, humiliés dans différentes disciplines sportives : nos prétendus sportifs n’ont remporté aucune médaille. Ils ont, de surcroît, battu le record en matière de dopage. Triste palmarès !
 Il faudrait songer à assainir notre production télévisuelle nationale. L’on jase concernant  la chose publique ; la chose télévisuelle n’est pas des moindres. Il faut envisager de sanctionner tous ceux qui commettent ces navets ramadaniens et qui récidivent impunément. C’est de l’argent des contribuables qu’il s’agit. Notre télé est notre image. Pouvons-nous être fiers d’arborer une telle laideur à la face du monde ? Pourquoi ne pas lever l’embargo imposé à nos véritables artistes : Bziz et Skiredj pour ne citer que ces deux-là et Dieu sait que ce n’est pas les talents qui manquent dans ce pays ; ce qu’il faudrait, c’est de véritables responsables intègres,  imbus de patriotisme qui ne soient pas cupides et qui mettent l’intérêt national et humain au-dessus de toute ambition intestine et mesquine.
Mon cri est une protestation que je lance à la manière du naufragé qui jette un appel au secours mis dans un bout de papier dans une bouteille à la mer, espérant que ce  sera lu par des responsables, cette fois-ci.

* Professeur agrégé de traduction à Meknès   


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