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Le problème des enseignants contractuels toujours sans issue

Panne de courant entre le ministère et les syndicats


Mourad Tabet
Lundi 11 Mars 2019

International Education s’active contre la marchandisation de l’enseignement

Les syndicats de l’enseignement sont montés au créneau et ont rejeté l’offre gouvernementale concernant la question des enseignants contractuels.
Sur invitation du gouvernement, les secrétaires généraux des cinq syndicats de l’enseignement les plus représentatifs (SNE-FDT, SNE-CDT, FLE-UGTM, FNE-UMT, FNE) se sont réunis samedi, avec les responsables du ministère de l’Education nationale. 
Selon un communiqué diffusé à ce propos, ils ont rejeté l’offre qui leur a été soumise. « Le gouvernement s’attache à recruter par contrat, tout en introduisant 14 amendements au statut des fonctionnaires des académies », y lit-on. 
Ils ont décliné cette offre et réitéré leur demande d’intégration de tous les enseignants contractuels dans la fonction publique, tout en appelant à l’ouverture d’un « débat sérieux dont les résultats consistent à intégrer les enseignants contractuels dans le statut des fonctionnaires du ministère de l’Education nationale à l’instar de leurs collègues ».
Il y a lieu de rappeler que le chef du gouvernement, Saâd Dine El Otmani, avait demandé samedi au ministre de l'Education nationale, Said Amzazi, d'engager un dialogue avec lesdits syndicats en présence des enseignants contractuels. 
"J'ai demandé au ministre de l'Education nationale de mener, à partir de ce samedi, un dialogue avec les syndicats de l'enseignement en présence de ces enseignants, et de faire en sorte que le maximum des revendications soient satisfaites, dans le cadre des promesses faites pour la réforme du statut de ces cadres pédagogiques et le redressement des dysfonctionnements qui l'entachent", avait souligné Saâd Eddine El Otmani dans une déclaration à la MAP avant sa participation à la séance d'ouverture de la troisième assemblée générale nationale de l'Association "Avocats pour la justice", tenue à Rabat.
Par ailleurs, trois de ces syndicats, le SNE, la FDT, le SNE-CDT et le SNESup, ont rendu publique, vendredi dernier, «la Déclaration de Casablanca » dans laquelle ils ont fustigé la commercialisation et la privatisation de l’éducation, « ce qui porte atteinte à la cohésion sociale et aux valeurs, consacre l’inégalité des chances et renforce davantage les inégalités».
Cette déclaration dont lecture a été donnée par Sadek Rghioui, secrétaire général du SNE-FDT, lors d’une conférence de presse organisée vendredi au siège central de la CDT à Casablanca en marge de l’atelier organisé par cette centrale syndicale les 7 et 8 mars sur « La réponse mondiale de l’Internationale de l’éducation à la commercialisation et la privatisation de l’éducation » avec la participation de responsables de l’Internationale de l’éducation (IE), à savoir la Marocaine Dalila El Barhmi qui a rejoint cette organisation basée à Genève en 2008 et l’Australien Angelo Gavrielatos qui est responsable en son sein de la réponse mondiale à la commercialisation et la privatisation de l'éducation.
Les trois syndicats ont exprimé leur rejet de la politique de recrutement des enseignants par contrat. Ils ont fustigé la loi-cadre sur l’enseignement «qui consacre la précarité en imposant le contrat en tant que nouveau mécanisme de recrutement » dans le secteur de l’éducation, tout en soutenant que «l’enseignement public gratuit et de qualité pour tout le monde est une priorité nationale et un enjeu stratégique pour réaliser le développement durable et exigé la garantie des conditions matérielles, sociales, professionnelles et la bonne formation des enseignantes et des enseignants ».
« Il est profondément regrettable que l'Etat abandonne son rôle social qui impose la garantie du service public y compris dans l'éducation, secteur vital et stratégique et locomotive du progrès et du développement », ont mis en exergue les trois syndicats qui sont membres de l’IE, tout en dénonçant la décision du gouvernement de mettre fin à la gratuité de l’enseignement en imposant des frais d’inscription.
«Les recherches, les études et les expériences internationales ont montré que les systèmes éducatifs publics gratuits et de qualité sont la seule voie pour garantir l’équité et l’égalité des chances», a mis en relief la Déclaration de Casablanca. Et de mettre en garde contre tout projet «visant à privatiser  l’enseignement public et à le soumettre au profit et aux exigences de la loi du marché», en insistant également sur la généralisation et la gratuité de l’enseignement supérieur public dans le cadre d’une carte universitaire garantissant toutes les conditions nécessaires à l’encouragement de la recherche scientifique.
Ils ont également critiqué les injonctions des institutions internationales et leur ingérence dans les politiques d’éducation.
«Cette déclaration constitue un référentiel et un guide pour toutes les démarches ultérieures visant à la mise en œuvre de sa teneur », a tenu à préciser Abdelghani Raki, secrétaire général du SNE-CDT.
Concernant le recrutement d’enseignants par contrat, il a affirmé que le ministère considère que ce type de recrutement est une ligne rouge à ne pas franchir et  les syndicats s’y opposent farouchement. « La solution, c’est la rue », a-t-il martelé, tout en dénonçant la violence subie par les enseignants contractuels au cours des derniers jours dans plusieurs villes du Royaume.
Pour sa part, Sakek Rghioui s’est inscrit en faux contre l’idée selon laquelle l’argent public dépensé dans le secteur de l’enseignement est un gaspillage et affirmé que « l’enseignement s’adresse à la chose la plus importante au monde, à savoir l’être humain ».
Il a également critiqué le recrutement par contrat dans le secteur de l’enseignement, car, selon lui, ce type de recrutement consacre la précarité. « Ce qui se passe actuellement est très dangereux et on ne veut pas que cet horrible projet passe. La seule solution dont nous disposons en tant que syndicats, c’est la lutte », a-t-il souligné, tout en appelant à la constitution d’un front social pour défendre l’école publique.
L’intervention de Mohammed Abounasr, membre du bureau national du SNESup, est allée dans le même sens.
«Notre objectif est de constituer un front social destiné à créer un rapport de force en notre faveur », a-t-il souligné, tout en affirmant que ce front ne concerne pas seulement les syndicats, mais également les forces politiques nationales démocratiques, les organisations estudiantines et d’élèves et les associations de la société civile.
Pour sa part, Angelo Gavrielatos a rappelé que l’IE est une organisation syndicale mondiale spécialisée dans le domaine de l'éducation qui a été constituée en 1993 par les syndicats de 172 pays. 
«Les études faites en matière d’enseignement et d’éducation ont démontré que la privatisation ne garantissait pas la qualité, mais qu’elle pouvait renforcer les inégalités sociales », a-t-il martelé.
Il a déploré le fait que le gouvernement marocain n’honore pas ses engagements consistant à  garantir un enseignement gratuit et de qualité, tout en révélant que «des parties étrangères font pression sur le Royaume pour le pousser à privatiser ce secteur ».
Pis encore, cet ex-président fédéral de l'Australian Education Union et directeur de projet à l'IE a également révélé qu’un nouvel instrument de financement (Education outcomes fund-EOF) a été constitué l’année dernière dans le but de financer exclusivement des acteurs non étatiques, notamment des entreprises commerciales opérant dans le domaine de l’éducation. 
Selon lui, ce projet est pernicieux, car il favorise «la commercialisation et la marchandisation de l’éducation» et «porte atteinte au droit à l’éducation» gratuite et de qualité pour les citoyens, tout en soulignant que l’IE réalisera une étude sur la privatisation de l’éducation au Maroc.
Selon un document de l’Internationale de l’éducation, la première phase de ce projet concerne le Maroc, le Burkina Faso, le Ghana, la Jordanie, le Kenya, le Nigeria, le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Zambie.
Les pays également concernés par ce projet sont le Tchad, la Côte d’Ivoire, l’Egypte, l’Ethiopie, le Liban, le Libéria, la Palestine, la Tanzanie, la Tunisie, l’Ouganda, la Zimbabwe.


 


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